Comment vaincre un fantôme ?
La prétendue armée fantôme américaine fut un problème parmi d’autres auquel la Wehrmacht a dû se confronter. Les Allemands ne se battaient pas contre une armée américaine supérieure en nombre comme ils le pensaient, mais faisaient en fait face à des artistes, des ingénieurs et des tanks gonflables.
« Connue sous le nom d’ »armée fantôme », cette unité top secrète a mené la bataille en utilisant des tanks et des armes factices, de fausses communications radios, des effets sonores, et même en inventant des généraux – tout cela pour duper l’ennemi en lui faisant croire que l’armée était plus grande, mieux armée ou à un autre endroit, » écrit James M. Linn IV, conservateur au National WWII Museum.
Financée par le Ghost Army Legacy Project (littéralement : projet de commémoration de l’armée fantôme), une nouvelle plaque historique a été dévoilée le 16 octobre à Plabennec, une ville française à l’extérieur de Brest, en l’honneur des soldats de l’armée fantôme et de leurs efforts pour libérer la France du joug de l’occupation nazie.
Activé le 20 janvier 1944, le 23ème quartier général des forces spéciales fut la première unité tactique mobile et multimédia dans l’histoire de l’armée américaine. Composée de plus de 82 officiers et 1023 soldats et commandée par le colonel vétéran Harry L. Reeder, cette unité unique et top-secrète fut capable de se faire passer pour deux divisions entières – soit environ 30 000 hommes – alors qu’ils n’étaient armés que de mitrailleuses de calibre 50, selon le National WWII Museum.
Le 23ème quartier général fut déployé deux semaines après le jour J et mena 22 opérations tactiques en tout sur une période de 9 mois – la plus importante étant celle d’une unité de 1 100 hommes qui dupèrent les Allemands sur le lieu et le moment choisis par la neuvième armée américaine pour traverser le Rhin, supposément du 18 au 24 mars 1945.
Le baptême du feu a en réalité eu lieu près de Brest du 23 au 25 août 1945. La bataille “a marqué la première utilisation pour le 23ème quartier général à la fois de trompe-l’œil mais aussi de fausses communications radio et effets sonores, » a déclaré le Ghost Army Legacy Project.
À Brest, sa mission était d’amplifier la taille des forces américaines qui attaquaient la ville. Désavantagé numériquement et sous-armé, le 23ème quartier général diffusa le son de troupes en marche et gonfla de nombreux tanks en plastique afin de donner l’illusion du nombre. Grâce à ces ruses, le général allemand Hermann-Bernhard Ramcke a fini par se rendre.
On attribue à cette unité la vie de milliers d’Américains durant la dernière année mais aussi la moitié de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, toutes ses actions furent classées secret défense jusqu’en 1996, et ce n’est que très récemment que ses contributions aux efforts de guerre ont fait l’objet d’une attention nationale aux États-Unis.
En avril 2021, le sénateur Edward Markey (DMA – accès direct à la mémoire) présentait un projet de loi devant le Sénat afin de récompenser l’unité de la médaille d’or du Congrès « en reconnaissance de leur service unique et hautement distingué pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Le mémorial le plus récent de ces courageux « escrocs » de l’armée fantôme se trouve à l’endroit exact où les soldats du 23ème quartier général de l’armée américaine ont mené la bataille de Brest en août 1944.
“La bataille de Brest fut un moment décisif de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que l’une des plus belles réalisations de l’armée fantôme, » explique la maire de Plabennec Marie-Annick Créac’h-Cadec dans un communiqué de presse. « Les soldats de cette armée ont mérité cette plaque commémorative pour leur dévouement, leur bravoure et leur créativité, qui ont servi pour libérer la France de l’occupation nazie. »
La cérémonie, ouverte au public, s’est déroulée à 11h dans le village de Kerlin.
A.L.