On en voit à Paris, sur la Seine… Ce sont les bateaux-mouches. Si vous croyez qu’ils portent ce nom parce qu’ils ressemblent à de petits insectes flottant sur l’eau, vous avez tout faux ! Mouche, c’est le nom d’un quartier de Lyon.
Les bateaux-mouches, c’est un peu comme l’Atomium ou la tour Eiffel : tout commence avec une Exposition universelle…
Depuis le milieu du XIXe siècle, les grandes puissances organisent de grandes expositions afin que chaque nation puisse venir exposer les fleurons de sa production. Mais c’est aussi, pour la ville organisatrice, une manière de se mettre en lumière. En 1864, Napoléon III, très fier de la rénovation de Paris qu’il mène depuis dix ans avec le baron Haussmann, décide d’accueillir l’Exposition universelle de 1867. Ce sera l’apogée de son règne. De grands travaux sont entrepris sur le Champ de Mars, mais les organisateurs songent aussi à l’acheminement des visiteurs. Ils ont prévu une ligne de chemin de fer, une gare. Et, comme la Seine est toute proche du site, ils lancent aussi l’idée de navettes fluviales.
À l’époque, il y a déjà beaucoup de bateaux sur la Seine, mais essentiellement pour le transport de marchandises. Il n’y a pas de service régulier pour les passagers. L’idée est donc de créer des bateaux omnibus. Ces bateaux omnibus, il en existe déjà à Lyon, qui est alors une ville en pleine expansion. L’industrie s’y développe en périphérie, dans un quartier que l’on appelle ‘La Mouche’. Vers 1860, un jeune entrepreneur, Michel Félizat, achète un terrain à cet endroit pour y installer un chantier naval. Il construit des bateaux à coque métallique équipés d’une hélice et d’un moteur à vapeur.
Quand un bateau est lancé, il est de tradition de le baptiser. Michel Félizat n’est cependant pas très inspiré… Comme ses bateaux sortent du chantier de La Mouche, il les appelle simplement ‘Mouche’. Mouche 1, Mouche 2, Mouche 3… Ce sont ces bateaux Mouche qui, dès 1863, offrent à Lyon un service omnibus fluvial, sur le Rhône et la Saône.
27 morts, et alors ?
Michel Félizat est évidemment sur les rangs le jour où Paris, reprenant l’idée des bateaux omnibus, lance un appel d’offre. À Lyon, ses bateaux Mouche transportent plus d’un million de passagers par an. Pour un coût très faible. Du coup, tout le monde préfère oublier qu’un jour de juillet 1864, le Mouche 4 a chaviré, suite à l’explosion de son moteur à vapeur, et que ‘l’incident’ a quand même fait 27 morts. Michel Félizat remporte le marché. Paris lui commande trente bateaux à livrer dans les huit mois. Il lui faut donc construire un bateau par semaine ! C’est un véritable défi, d’autant qu’il doit ensuite les acheminer jusqu’à Paris.
Le 14 avril 1867, alors que l’Exposition universelle ouvre ses portes, les bateaux Mouche sont sur la Seine. Ils vont transporter près de trois millions de personnes durant les six mois que dure l’Expo. Et lorsqu’elle s’achève, la Ville de Paris décide de pérenniser le service des bateaux omnibus, estimant qu’ils seront très utiles à ses habitants. Effectivement, c’est un moyen pratique, rapide et pas cher de se déplacer dans la capitale. À la belle époque, les bateaux sur la Seine transportent jusqu’à vingt-cinq millions de passagers par an. Ils subissent ensuite la concurrence du métro, mis en service pour l’Exposition universelle de 1900, puis la concurrence de l’automobile. Et ils finissent par disparaître, en 1934.
À l’aube des années 50, un Parisien malin se dit toutefois que, si le bateau ne convient plus pour le transport des citadins, il peut séduire les touristes. La Ville Lumière est encore plus belle vue de la Seine ! Il rachète un vieux bateau à vapeur. Il dépose la marque ‘Bateaux-Mouches’… Et voilà comment les bateaux du chantier de La Mouche, même s’ils ont tous disparu aujourd’hui, continuent de faire battre le cœur de Paris.