Cinq médailles d’or aux Jeux olympiques, 2 aux Championnats du monde, 9 aux Championnats d’Europe, voilà le superbe bilan de la carrière de Nadia Comãneci, l’inoubliable gymnaste qui, grâce à la TV, a conquis le monde, les amateurs de sport et les autres, lors des Jeux de Montréal, en 1976. Par sa grâce, son talent, son audace aux agrès et surtout par les notes de 10/10 qui n’avaient jamais été attribuées par des juges dans cette discipline hautement technique. Et les titres, à l’époque, de fleurir dans toute la presse : « La reine des Jeux », « La poupée roumaine », « A star is born », « Nadia pour l’éternité », etc.
Elle est née en 1961 à Onești, dans la Roumanie communiste écrasée par le régime de Ceaușescu. À l’école maternelle, déjà, on lui détecte un don pour la gymnastique et il n’en faut pas plus pour que l’entraîneur Béla karólyi – qui aura une influence considérable sur le style qu’elle va adopter en compétition – l’embrigade dans son « école expérimentale ». C’est bien le terme qui convient à ce lieu où les enfants doués sont entraînés jusqu’à l’épuisement (ou parfois l’accident bien caché) pour en faire des championnes qui défendront l’honneur du pays et montreront sa puissance à travers le monde.
Mais Nadia tient bon et gagne. À 9 ans, elle est championne junior de Roumanie. À 13 ans, championne d’Europe chez les « grandes », en Norvège, au classement général et à trois agrès. L’année suivante, à Montréal, c’est l’apogée déjà. Elle n’a que 14 ans mais réalise un parcours exceptionnel, avec cette note de 10 qui fera date pour son enchaînement aux barres asymétriques. Elle réussira à sept reprises à convaincre le jury, subjugué, à lui accorder ce 10, ce qui n’était même pas prévu sur les tableaux d’affichage électroniques des Jeux. Inquiétés par la jeunesse de plusieurs concurrentes et les bruits qui circulent sur leur préparation dans les pays de l’Est, les organisateurs olympiques imposeront la limite d’âge de 16 ans, à l’avenir, pour participer à leurs compétitions.
Après son triomphe planétaire au Canada, sa fédération autoritaire l’enlève au couple Károlyi et la « place » au complexe sportif de Bucarest. Nadia ne s’y plaît pas, souffre du divorce de ses parents et son mal-être éclate à Strasbourg, dans des championnats du monde où elle ne recueille qu’une médaille d’or, à la poutre, en 1978.
La fédé change à nouveau son fusil d’épaule : retour de l’enfant-star chez Károlyi ! En ’79, elle redevient championne d’Europe au général. En ’80, championne olympique au sol, à Moscou, à égalité avec Nelly Kim. Elle prend sa retraite sportive en 1981; elle n’a que 20 ans... Immédiatement, on lui confie la direction des petites gymnastes juniores de Roumanie.
Pendant quelques années, Nadia Comãneci va être l’ambassadrice de son pays, mais elle est surveillée, épiée par la Sekuritate, la sûreté de l’État. Le fils du président Ceaușescu, manitou dans cette police, la harcèle, la menace et la force même à une relation pénible avec lui ! Elle parvient à quitter le pays de nuit en 1989, franchissant les barbelés de la frontière avec la Hongrie. Le régime dictatorial se venge sur ses parents, qui sont emprisonnés, interrogés et, s’il n’y avait eu la révolution roumaine quelques semaines plus tard, probablement condamnés à l’exécution, a-t-on dit à l’époque. Nadia rejoint les États-Unis, où elle a aimé se produire à plusieurs reprises et y épouse un autre champion olympique de gymnastique (par équipes), Bart Conner. Avec lui, elle met sur pied des stages pour jeunes gymnastes, organise des shows, des exhibitions, en Amérique comme à l’étranger.
Car ce fut la clé de la réussite éblouissante de Nadia : bien conseillée par Károlyi, elle avait changé le style « ballet » des championnes, dont la belle Larissa Latynina, qui avaient dominé la gymnastique jusqu’en 1976. Nadia alliait la grâce, la souplesse, à une technique impeccable et à des trouvailles, souvent audacieuses, qui transformaient la discipline d’antan.
Aujourd’hui, avec sa double nationalité, elle se rend plus fréquemment en Roumanie, dont elle est devenue le porte-parole du gouvernement. Elle porte aussi ce titre aux Nations unies à New York. Parlant plusieurs langues, et fort bien le français notamment, elle a commenté les Jeux de Pékin pour la TV mexicaine ! Elle est consultée et invitée un peu partout dans le monde, pose pour des publicités – car elle reste d’une grande beauté – et poursuit sa carrière d’organisatrice de spectacles gymniques avec son mari. À 45 ans, elle a donné naissance à un fils, Dylan. Sur internet, un site spécialisé vend les « unes » de grands magazines des quatre coins de la terre à son effigie, en compétition. Les autographes qu’elle a donnés à Montréal en 1976 se vendent même à prix d’or ! Elle a beaucoup gagné, beaucoup souffert, physiquement et moralement, mais elle n’a plus, désormais, le regard triste et le sourire figé de ses années de gloire. Maintenant, elle a vraiment l’air heureux !