Les étranges nuits de noces de la noblesse au XVIIIe siècle

Charles-Joseph Lamoral, 7e prince de Ligne, né à Bruxelles le 12 mai 1735 et mort à Vienne le 13 décembre 1814, est prince du Saint-Empire, grand d’Espagne, militaire, diplomate et homme de lettres. Il fréquentait les plus grandes cours d'Europe, il fut aussi bien maréchal d'Empire que grand séducteur. Mais il est surtout considéré comme un des trois grands mémorialistes du XVIIIe siècle avec Giacomo Casanova et Giuseppe Gorani. Il écrit, dès l’âge de 15 ans, des traités militaires, romans, maximes, mémoires, lettres…Il entretint une correspondance aussi bien avec  Voltaire,  Rousseau, Mme de Staël, Catherine II de Russie ou encore Frédéric II de Prusse. Il fut admiré de Goethe, Lord Byron, Barbey d’Aurevilly ou encore Paul Valéry.

 

En 1755 à 20 ans, Charles-Joseph épouse à Vienne Françoise de Liechtenstein, une princesse de 14 ans qu’il n’avait jamais vue, sans liberté de donner son consentement. C’était le choix de son père !

 

 

Il nous a laissé une description épique de ce que fut son mariage:

« Mon père ne me parlait jamais. Il me fait monter en voiture, me mène à Vienne pour me marier. J’arrive dans une maison où il y avait quantité de jolies figures épousées ou à épouser : c’est ce que je ne savais pas. On me dit de me placer à table à côté de la plus jeune. J’appris par mes gens qu’il s’agissait de mariage pour moi. Mais quand je pensai, au sortir du dîner à tout ce que j’avais vu, je ne savais pas si c’était mon beau- père, ma belle-mère, une tante ou les jeunes petites personnes qui m’étaient destinées. Huit jours après, j’épousai. J’avais vingt ans et ma petite femme en avait quatorze. Nous ne nous étions rien dit. C’est ainsi que se fit ce qu’on prétend être la chose la plus sérieuse de la vie.

[...] Au soir de la cérémonie, avant la bénédiction de la chambre nuptiale, la nouvelle petite princesse de Ligne fut mise au lit par ses tantes et cousines, attendant que son époux s’y glisse à son tour. À la bénédiction du curé d’un village d’Autriche ou de Moravie, on avait dit des litanies. C’était l’usage d’y paraître en robe de chambre, et la mienne était, au milieu de l’été, de satin couleur de feu avec des perroquets brodés d’or, perchés sur une quantité de petits arbres brodés en vert. Quel fut mon étonnement lorsque mon père, avec un air de satisfaction, et jouissant de la surprise, me fit passer les bras dans cette vieillerie avec laquelle je l’avais vu essuyer plus de cinquante accès de goutte! Mon père, en revanche, avait l’air du marié et ne portait que des habits brodés sur toutes les coutures. »

 

 

La nuit de noces fut aussi inconfortable qu’éphémère. En effet, les femmes qui avaient préparé le lit nuptial y avaient glissé toutes sortes de reliques pleines d’aspérités et les tourtereaux furent réveillés très tôt. « Je ne me souviens plus, écrit le marié, si ce fut par air ou par goût pour la chasse que j’y allais à 6 heures du matin après la première nuit de mes noces. Il est vrai que ma belle-mère était venue nous réveiller avant le jour, de peur, disait-elle, que de mauvaises gens nous jetassent un mauvais sort. Je m’aperçus bien que la famille dans laquelle j’étais entré n’était pas grande sorcière. »

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