L’abbé Dubois fut, dès 1716, l’homme de confiance du Régent. Ce diplomate ambitieux, de l’envergure d’un Mazarin – avec autant de vices –, fut envoyé cette année-là à Londres. Sir Robert Walpole en dresse ce portrait peu flatteur :
« Une tête de linotte enchâssée dans une grande perruque, un front ridé, un nez froncé, des yeux de sanglier, un visage chafouin et plein de boutons, l’air renfrogné, la mine d’un chat qui chie dans la braise. »
L’année suivante, il fut promu secrétaire du cabinet du roi. En 1720, il réclama le chapeau d’archevêque de Cambrai, rien moins que celui de feu Fénelon, qui venait d’avoir la bonne idée de mourir. L’abbé Dubois n’était en fait même pas prêtre, mais cela n’avait aucune importance. Avec la complicité de Monseigneur de Tressan, premier aumônier, et du Régent, qui ne voulait pas refuser ce caprice à son ministre des Affaires étrangères, il fallut l’ordonner en vitesse sous-diacre, diacre, puis prêtre. Scandalisé, Saint-Simon obtint du Régent qu’il ne se rende pas à la cérémonie, au Val-de-Grâce. Mais la veille, celui-ci coucha avec sa maîtresse du moment, Madame de Parabère qui, par intérêt, l’enjoignit d’y aller et il s’y rendit.
L’ambition de Dubois lui fit bientôt réclamer le cardinalat, qu’il obtint, comme les charges de Premier ministre et de président de l’assemblée du Clergé (1722-1723). Tout ce cursus fut parcouru par le sexagénaire en moins de cinq ans. Il ne voulut pas non plus se priver des plaisirs qui lui avaient échappé dans sa jeunesse. Il lui en coûta une syphilis, qui lui fit souffrir le martyre. Malgré un abcès qui lui mettait la vessie en feu, il tint à participer à Meudon, derrière le roi, à la fastueuse revue de printemps. Il déambulait sur sa selle comme un cadavre ambulant, crevant de mal. À son retour, son abcès avait percé. Il en mourut, le 10 août 1723, après avoir eu le mérite de préserver la France d’une guerre avec l’Espagne et, après la banqueroute de Law, d’assainir les finances de l’État.