Le mardi 28 janvier 1393, on célébrait à l’hôtel Saint-Paul à Paris les noces d’une dame d’honneur de la reine Isabeau de Bavière, veuve pour la deuxième fois. On n’eut garde de priver le roi du charivari, coutumier quand une veuve se remariait, car, relevant de maladie, il avait bien besoin de se divertir. Vers minuit, il donna l’ordre d’éteindre toutes les torches de la grande salle.
Soudain, au milieu des danseurs, surgirent six hommes poilus comme des bêtes, vêtus de costumes collants couverts d’étoupe, le visage dissimulé sous un masque velu, dansant follement, hurlant comme des loups et commettant des gestes obscènes. Alors entra le duc d’Orléans, accompagné de quatre chevaliers et de dix porteurs de torches. Il en saisit une et l’approcha d’un des noceurs pour le reconnaître, mais son masque s’embrasa. Le feu prit si vite aux touffes de lin et à tous les vêtements collants du malheureux qu’il gagna quasi simultanément ceux de ses camarades. En voulant éteindre les flammes et enlever leurs habits, les victimes se calcinèrent les mains. Yvain de Foix n’eut même pas le temps de se précipiter vers la porte où ses valets lui tendaient des draps mouillés. Le sire Nantouillet put courir jusqu’à la cuisine et se jeter dans le cuveau à vaisselle. Quatre danseurs périrent. Les détails suivants ont frappé l’imagination du Religieux de Saint-Denis :
« Le feu pénétra leurs parties intérieures, jusqu’à l’intérieur du nombril. Leurs organes génitaux avec leurs verges viriles qui tombaient par morceaux ensanglantaient le pavé de la salle. »
Charles VI serait sans doute lui-même parti en fumée sans la présence d’esprit de la jeune duchesse de Berry, avec qui il était en train de bavarder : elle s’était précipitée sur lui et l’avait recouvert de ses nombreuses jupes, geste qui en toute autre occasion eût été interprété comme une flamme amoureuse…