Etre enfant à la Renaissance
Bébés momies
Au Moyen Âge, on faisait tenir les langes des bébés avec des bandelettes plus ou moins larges. À partir des années 1500, elles vont servir à littéralement le ligoter. On pensait en effet que, pour tenir les corps droits, il convenait de les former au moule de bandelettes étroitement serrées, les jambes liées l’une à l’autre et les bras immobilisés le long du buste. Sinon, explique le docteur Mauriceau (1637-1709), l’enfant «marcherait peut-estre à quatre pattes...» Aucun mouvement n’était possible pour le nourrisson, d’autant qu’il était en plus attaché au berceau. On craignait surtout qu’un choc ou qu’un mouvement désordonné ne détruise son squelette et n’entrave son développement. En outre, on croyait que le contact avec l’air pouvait le tuer. Il faudra attendre Rousseau et son Émilepour que l’on commence à préconiser les bienfaits du corps en liberté. Mais la pratique traditionnelle s’est perpétuée en France jusqu’au début du XXe siècle.
Saine saleté
Comme l’emballement de l’enfant était complexe, celui-ci n’était généralement pas changé plus d’une fois par jour. Les mères réutilisaient généralement les couches trempées d’urine, après les avoir laissé sécher, sans les laver. De toute façon, encore au XVIIIe siècle, il était admis que la crasse était un engrais fertilisant et qu’elle embellissait les cheveux, que l’urine sur le corps était bénéfique, que débarrasser le crâne d’un enfant des croûtes qui s’y formaient était malsain, car la fragile fontanelle (espace situé entre les os de la boîte crânienne avant son entière ossification) aurait pu s’en trouver menacée. De plus, l’odeur forte que dégageait le corps d’un garçon sale présageait sa virilité. Un dicton ne prétendait-il pas : « Plus le bouc pue, plus la chèvre l’aime»? Toutefois des médecins préconisaient de donner du porc-épic à manger aux petits qui s’oubliaient trop souvent. La plupart déconseillaient de leur couper les ongles avant l’âge de 18 mois pour les fortifier et de ne pas lui enlever tous les poux puisque ces bestioles mangent le mauvais sang. Si l’enfant criait, conseillait Mauriceau, il fallait lui donner un morceau de guimauve ou un bâton de réglisse. Aux risques d’un effrayant manque hygiène s’ajoutait, chez les nobles, ceux de l’allaitement des enfants par des nourrices. Le jeune Henri IV en consomma huit, parce qu’une maladie contagieuse avait sévi.
S’il avait résisté à toutes ces épreuves, le bébé était libéré de ses bandelettes au plus tôt à un an et demi et revêtu d’une robe, quel que soit le sexe. Dans un parc à roulettes, il dégourdissait ses membres enfin libérés.
Apprentissage de la propreté
Sous la robe, portée dès l’âge de 8 ou 9 mois, les bambins des deux sexes ne portaient généralement pas de couche. À la campagne, l’enfant se soulageait où et quand il en avait envie. En ville, on utilisait le pot de chambre ou la chaise percée. Si une incontinence se prolongeait au-delà de 4 ou 5 ans, les parents invoquaient certains saints, comme saint Pissoux, ou faisaient ingurgiter tous les soirs à l’enfant une infusion dans laquelle on avait dissous une souris ou une crotte de rat, de manière surtout à le dissuader de continuer.
En cas de sevrage problématique
Le sevrage correspond en principe à l’apparition des premières dents. Les médecins ne proscrivaient pas un allaitement maternel prolongé, mais, au sein du peuple, il passait pour une pratique nuisible au développement de l’enfant et, surtout, pour une forme d’inceste. Pour y mettre un terme, la mère ou la nourrice s’enduisait les mamelons de pâtes amères et tâchait de tarir la source par l’application de brins de persil ou le port d’un collier de bouchons de liège.
Pour prévenir et calmer les douleurs et les cris des bébés lors de la pousse des dents, on leur pendait au cou un sachet contenant une dent de poulain ou de jeune chien, une tête de vipère ou des pattes de taupe, ou encore, on lui frictionnait les gencives avec de la guimauve, une crête de coq saignante ou une côte de poulet.
Adultes prématurés
Durant tout le Moyen Âge, et jusqu’au XVIIe siècle, la vie quotidienne des enfants se confondait avec celle des adultes: mêmes jeux et même vie professionnelle, puisque, à tous les échelons de la société, les enfants se formaient par apprentissage. Même éducation scolaire élémentaire aussi – apanage du clergé – dans la mesure où de très jeunes écoliers étaient mêlés aux adultes dans les classes. Jusqu’au XVIIe siècle aussi, l’éducation
sexuelle s’opérait naturellement, sans tabou, car les enfants participaient à toutes les conversations et plaisanteries, à tous les spectacles conjugaux même, d’autant qu’ils partageaient souvent le même lit. Durant tout l’Ancien Régime, la sexualité infantile se manifestait par l’acte charnel bien plus précocement qu’aujourd’hui. Parmi une foule d’exemples, citons celui d’un très jeune garçon qui mit enceinte une veuve de 9 ans...