Le chantier débuta le 8 janvier 1887, par le creusement d’un gigantesque cratère. Très vite les piliers jaillirent des fondations, puis l’échafaudage de poutrelles, qui, contrairement aux prévisions des opposants pessimistes, bravait le vent, la pluie et la tempête sans rouiller ! Le premier étage fut terminé en avril 1888. Lorsqu’en septembre, ils eurent dépassé le niveau du deuxième, les ouvriers se mirent en grève. Ils recommencèrent le 21 décembre pour obtenir une augmentation, parce qu’ils devaient s’éreinter 9 heures par jour en hiver et 12 heures en été, tandis que les risques d’accidents devenaient toujours plus grands. Mais Eiffel refusa. Le dimanche 23, sans avoir obtenu satisfaction, les ouvriers reprirent le travail par une température avoisinant moins 10 degrés. Le tout fut achevé le 31 mars 1889. Eiffel hissa lui-même le drapeau national en haut de sa tour. Il avait imaginé, pour l’inauguration officielle, de la faire recouvrir d’une housse, que le président aurait tirée, mais comme 75 000 mètres de toile eussent été nécessaires, il renonça à cette cerise enveloppante sur le gâteau. Ce prodige architectural de la Révolution industrielle suscita cette fois l’admiration de beaucoup de Français et on parla de « merveille du génie humain » ou de « bergère de nuages » (Apollinaire) ; le mot eiffelomanie fit son apparition. Des artistes ne désarmèrent pas pour autant, fustigeant cette horreur ! Beaucoup jugèrent la tour hideuse, à commencer par le président Carnot lui-même quand il l’inaugura. La tour ne laissa en tout cas personne indifférent et suscita même bien des envies. En effet, nombre de villes voulurent en avoir une semblable, mais, bizarrement, presque tous les projets échouèrent…