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Ada Lovelace : première programmeuse et pionnière de l’informatique

Le cas d’Augusta Ada Lovelace est fort discuté, ses biographes interprétant différemment les rares documents qui nous restent de sa vie. Fut-elle le génial inventeur de ce que l’on appellera – beaucoup plus tard – le « logiciel », ou ne fut-elle que l’assistante attentionnée d’un homme dont le génie, cette fois, n’est pas contesté, et qui était le mathématicien Charles Babbage (1792- 1871) ? En tout cas, son nom est lié à l’histoire du calcul mécanique, rebaptisé informatique, et c’est une histoire bien intéressante

Les machines à calculer

Le calcul a toujours fasciné certains penseurs, d’abord parce qu’il est utile, ensuite parce qu’il est difficile, et enfin parce qu’il y réside quelque chose de mystérieux, dans la mesure où le calcul peut être considéré comme un raisonnement, et qu’il constitue ainsi un exemple du « travail de l’esprit ». Les Anciens ne disposaient pas de la géniale invention du système de numération positionnelle, imaginé par les Indiens et transmis à l’Occident par les Arabes. D’où l’expression de chiffres « arabes », qui en réalité sont indiens. Ils calculaient avec des moyens matériels. Si l’on veut connaître la somme de trois et de cinq, on peut en effet compter d’abord trois cailloux (ou trois petits objets quelconques), puis cinq cailloux, puis l’on forme un tas en rassemblant tous les cailloux, on compte, et je crois que l’on trouvera ainsi que trois et cinq font huit. On comprend maintenant pourquoi le mot français « calcul » vient du mot latin calculus, qui signifie « petit caillou ».

Un abaque, c’est-à-dire une table qui facilite la manipulation des cailloux, est déjà une « machine à calculer », puisqu’elle est formée de constituants matériels, comme toute machine, et qu’elle permet de faire des calculs sans qu’il soit nécessaire de réfléchir, de faire, comme on dit, du « calcul mental ».

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Mais il faut quand même disposer soigneusement les cailloux (ou les jetons). Ne pourrait-on pas « mécaniser » davantage ?

Ce fut l’idée de l’Allemand Wilhelm Schickard (1592- 1635), en 1623, qui construisit une machine (basée sur l’utilisation d’engrenages) qui permettait d’additionner et de soustraire « automatiquement ». Ce fut l’idée du Français Blaise Pascal (1623-1662), curieusement plus célèbre comme littérateur que comme inventeur de génie, en 1641, qui construisit une machine également basée sur des engrenages. Ce fut l’idée de plusieurs autres, et ce fut l’idée de l’Anglais Charles Babbage.

Charles Babbage

En 1821, Babbage a terminé les plans d’une machine beaucoup plus ambitieuse que celles de Schickard, de Pascal et de leurs successeurs. Toujours basé sur un système d’engrenages, le Difference engine de Babbage devrait être capable d’effectuer les quatre opérations arithmétiques, et même de les combiner pour effectuer des calculs algébriques. Le mathématicien anglais en entreprend la construction, mais il ne parvient pas à réaliser une machine « opérationnelle ». Il ne s’est pas trompé, le principe est correct, mais les moyens de construction mécanique de l’époque ne permettent pas de produire des composants suffisamment précis, et les frottements perturbent le fonctionnement de l’ensemble.

Vue partielle du Difference engine

Le 5 juin 1833, une jeune fille de dix-huit ans, Augusta Ada Byron, est présentée à Charles Babbage, toujours préoccupé par le calcul mécanique, et qui parle de ses projets à Ada. Celle-ci est vivement intéressée, et va rencontrer souvent le mathématicien pour discuter de ses travaux. Il est temps de faire la connaissance d’une jeune femme ayant des goûts aussi « masculins ».

La fille de Byron

Ada, quand elle rencontre le concepteur du Difference engine, est déjà célèbre, ou du moins bien connue par la bonne société londonienne. Née le 10 décembre 1815 à Londres, Augusta Ada est la fille de Lord Byron et de sa femme Annabella Milbanke. George Gordon Byron (1788-1824) est déjà un poète très connu, et quand Ada rencontrera Babbage, en 1833, les Britanniques considéraient le poète disparu comme un des plus importants représentants du romantisme anglais, et bien sûr sa fille portait le poids de cette réputation.

Lord Byron

Les biographies sont contradictoires à propos de la jeunesse d’Ada. Dès 1816, Annabella quitte Byron en gardant Ada, et l’on ne sait pas trop quelles furent les conditions de l’enfance et de l’adolescence de la fille de Byron. Peut-être Annabella, qui semble avoir été passionnée par les mathématiques, a-t-elle transmis son goût à sa fille, tout cela n’est qu’hypothèse. Toujours est-il que, quand elle rencontre Babbage en 1833, elle a manifestement des aptitudes pour les mathématiques.

En 1835, Mademoiselle Byron épouse William King, comte Lovelace, et devient Madame Augusta Ada King Lovelace. L’histoire, qui aime simplifier, a retenu le nom plus court d’Ada Lovelace.

Son mariage n’a pas empêché Ada de garder le contact avec Babbage. Et l’échec de celui-ci ne l’a pas empêché de poursuivre ses réflexions et ses calculs en vue de construire une machine mathématique.

En 1836, Babbage a achevé les plans d’une nouvelle machine, qui sera plus performante, et qu’il appelle Analytical engine.

En 1842, Ada entreprend de rédiger des notes à propos de la machine. Il s’agit en somme de réaliser le « mode d’emploi » de la machine, ce qui n’est pas si simple, car il faut expliquer comment configurer la machine pour qu’elle réalise les calculs (complexes) désirés. C’est à ce moment qu’il semble qu’elle ait l’idée de ce que l’on appelle maintenant « programmation », et certains historiens créditeront Ada Lovelace de l’invention de la programmation des machines ; machines que l’on appelle aujourd’hui ordinateurs, et programmation qui constitue ce qu’on nomme aujourd’hui logiciel. D’autres historiens feront remarquer que les connaissances mathématiques d’Ada étaient assez superficielles, et qu’elle n’a fait que mettre par écrit, en bon anglais, les idées exprimées oralement par Charles Babbage. Toujours est-il, et c’est déjà remarquable dans les années 1840, qu’Ada fût réellement une excellente collaboratrice de l’inventeur du Difference engine et de l’Analytical engine, ces véritables ancêtres de nos ordinateurs.

Je dois ajouter qu’en 1843, le Suédois Georg Scheutz (1785-1873) et son fils Edvard construisent un prototype de Difference engine, suivant les idées de Babbage, qui fonctionne parfaitement, ce qui démontre la valeur des travaux du mathématicien anglais.

Le 27 novembre 1852, Augusta Ada Lovelace meurt, à Londres, d’un cancer de l’utérus.

Sa contribution à la naissance de l’informatique ne sera pas oubliée. Quand, en 1979, Jean D. Ichbiah (1940-2007) achève le développement d’un nouveau langage informatique pour le compte du ministère de la Défense des États-Unis (le Department of Defense), le nom du nouveau langage, d’abord prosaïquement baptisé « DoD-1 », sera finalement « Ada ».

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