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Alcools, ivresses et légendes

Alcools, ivresses et légendes

Frelatage

Quelle que soit la qualité du vin, sa conservation posait problème au point qu’il était préférable de le boire dans l’année, frappé. C’était bien sûr un pis-aller. Selon l’Italien Crescenzi, qui distinguait parfaitement au XIIIe siècle le vin jeune de l’ancien, le meilleur était celui qui avait trois ou quatre ans d’âge. Aussi, pour tromper le client, des taverniers injectaient du vin odoriférant dans les fûts neufs avant de les remplir de vin nouveau, qu’ils faisaient passer pour du plus ancien.

Vengeance par l’excommunication

Lorsque Philippe-Auguste voulait acquérir les meilleurs vins, il les goûtait lui-même avec le concours d’un spécialiste, un prêtre anglais. Lorsque ce dernier estimait des vins trop acides, il n’hésitait pas à les excommunier, tels ceux de l’Ouest qui lui causèrent des coliques et lui enflèrent le ventre...

Bande d’ivrognes

On ingurgitait des quantités effarantes de vin, cause d’états d’ivresse fréquents, même si le breuvage ne dépassait généralement pas 2 ou 3 degrés et était généralement coupé d’eau. Dans les monastères, des châtiments corporels étaient prévus en cas d’abus, mais ce n’était qu’un principe. Le 17 septembre 837, les clercs du Mans burent chacun près de quatre litres durant la fête clôturant les vendanges. Comme on s’y débarrassait du vin de l’année précédente, c’était un bon prétexte de beuverie. Vers 1400, la consommation quotidienne moyenne des moniales du prieuré de Toul dans le Cantal était de trois quarts de litre et, dans les cours du comte d’Auvergne et du seigneur de Murol, de deux litres, avec des variations sensibles selon la condition sociale. Généralement, il s’agissait de crûs régionaux, sans qu’il faille pour autant mésestimer leur qualité. Le Saint-Pourçain d’Auvergne, par exemple, avait la cote. À défaut d’eau potable, les humbles ne se privaient pas non plus, mais ils consommaient une piquette peu alcoolisée. Au XIVe siècle, les nantis accordaient leur préférence aux crus de Bourgogne et du Bordelais légers, par goût et par nécessité, puisqu’ils se conservaient mieux.

Alcooliques nus

En principe, dans les villes, il était interdit de s’enivrer dans les tavernes et de se livrer à des jeux après le couvre-feu. Mais les ordonnances étaient mal respectées: les sources mentionnent très souvent des beuveries et jeux nocturnes, interrompus par les responsables du guet. Parfois, des ivrognes repartaient nus, parce qu’ils avaient dû laisser leurs vêtements en gage. Ce procédé a perduré. Ainsi François Villon légua-t-il son caleçon dans les mêmes circonstances à Robert Vallée !

Légende du Bâtard Montrachet

Vers l’an mil, en Bourgogne, un seigneur de Montrachet vit avec nostalgie son fils partir pour la croisade. Comme il s’ennuyait

sans lui, il s’éprit d’une pucelle et lui fit un enfant. Il y avait donc «Montrachet l’aîné», le père, «Montrachet chevalier», le fils et «Montrachet le bâtard», le fruit du plaisir interdit. Le père décéda, le chevalier ne revint jamais, et le bâtard hérita donc du vignoble de son père, d’où le nom du Bourgogne« Bâtard Montrachet ».

Légende du Vouvray Saint-Martin

Vers la moitié du IVe siècle, à Vouvray, saint Martin rapporta un pied de vigne de ses longues pérégrinations. Il grandit à vive allure au point que le saint, qui l’avait enfoui dans un os d’oiseau, dut le transférer dans un os de lion, puis dans celui d’un âne. Après qu’on eut planté les pieds de vignes, la première récolte donna des résultats spectaculaires : au premier verre, les buveurs chantaient, au deuxième ils rugissaient et au troisième, ils buvaient comme des ânes !105

Perception de la dîme du vin

La dîme était un impôt en nature dû à l’Église équivalant en théorie à un dixième des récoltes, en fait souvent environ le septième. La convention conclue en 1252 entre le chapitre de Saint-Jean de Lyon et les «décimables» de la paroisse d’Anse précise les devoirs dévolus à chacun en cas de perception de la dîme du vin :

«Quand le vigneron ou son domestique vendange sa vigne, il doit appeler à haute voix, par deux ou trois fois, le décimateur, pour que celui-ci vienne recevoir la dîme. Si le décimateur, après deux ou trois appels, n’est pas venu, le vigneron doit laisser en la vigne la dîme déposée dans les paniers, mais seulement jusqu’au soir, si toutefois la vendange dure jusque là. Et si une vigne a été terminée à une heure quelconque de la journée avant le soir, le vigneron, une fois le décimateur appelé deux et trois fois,

laissera la vigne sur place, aux risques et périls des décimateurs ; si la dîme et les paniers qui la contiennent sont dérobés après leur départ, les décimateurs devront rembourser la valeur des paniers. Et à ce sujet, [...] on devra croire le vigneron ou son domestique sur la foi de leur serment et sans exiger d’autre preuve. »

Mathilde

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