Anecdotes sur le débarquement en Normandie

Anecdotes sur le débarquement en Normandie

Aviateurs noyés par prudence

Le soir du 5 juin 44, des dizaines d’avions chargés de bombes décollèrent l’un après l’autre des côtes de l’Angleterre, à intervalle d’une minute. À l’approche des côtes françaises, pour éviter d’être repéré par l’ennemi, l’éclairage des avions devait être réduit au minimum: la luminescence du tableau de bord et la lampe individuelle. Pour la même raison, tout contact par radio entre appareils était interdit, même en cas de détresse. Conséquence pour les avions descendus par les Allemands: nombre de pilotes furent retrouvés morts de froid dans leur gilet de sauvetage.

Leurres hollywoodiens

Dans les mois précédant le Jour-J, les services secrets britanniques recoururent à un arsenal de duperies pour persuader les Allemands que le débarquement aurait lieu au Danemark, en Norvège, en Belgique, dans les Balkans ou ailleurs, mais surtout pas en Normandie. La radio joua un rôle déterminant. Les Allemands étaient persuadés, grâce aux leurres alliés, que le débarquement aurait lieu dans le Pas-de- Calais, en raison de ses grands ports, indispensables pour une telle opération, et de la distance minimale à parcourir. La fausse armée alliée d’invasion, forte de onze divisions, encombrant la côte sud de l’Angleterre, était composée de soldats, de bateaux et de planeurs en contreplaqué, de mitrailleuses en caoutchouc, de blindés gonflables ou autres véhicules en bois, aisément déplaçables. Le but était de tromper les avions de reconnaissance de la Luftwaffe, que la DCA alliée s’ingéniait à manquer. Du faux à 100%, fruit de l’imagination du colonel John Henry Bevan. Les docks pétroliers, en carton pâte, avaient été créés par un architecte, un technicien de cinéma d’Hollywood et d’autres spécialistes de l’illusion. Par souci du détail, les poêles fumaient dans des campements, des vétérans partaient en manœuvres. La nuit, un «simulateur» imprimait sur le sol les traces des chars et un important mouvement de véhicules, sans cesse répété, pouvait s’observer dans la région. Une équipe de techniciens entretenait, à l’intention des oreilles allemandes, des échanges radio incessants entre les unités virtuelles.

Pour que la supercherie soit complète, on trompa aussi l’ennemi sur la date du débarquement. Le 26 mai 44, un sosie de Montgomery – le lieutenant Meyrick Clifton-James –, à qui on avait appris à imiter les gestes et le demi-sourire du général anglais, quitta fort peu discrètement Londres pour Alger, en avion, via Gibraltar. Ainsi les Allemands exclurent-ils de facto l’imminence d’une invasion par la Manche. Début juin, le maréchal Rommel – commandant en chef des forces du mur de l’Atlantique – rentra tranquillement en Allemagne pour fêter l’anniversaire de sa femme, d’autant que la météo annonçait des conditions dissuasives pour un débarquement.

Les Alliés trompèrent l’ennemi jusqu’au dernier moment. Dans la nuit du 5 au 6 juin, ils larguèrent dans l’arrière-pays de Caen, pendant plus de trois heures, des centaines de parachutistes. Il s’agissait en réalité de mannequins en caoutchouc, bardés de pétards qui explosaient à l’atterrissage, en imitant le bruit d’une fusillade d’armes légères. Des généraux allemands furent ainsi persuadés que de véritables parachutistes alliés avaient atterri à Lessay, à 80 kilomètres de Caen.

Préliminaires amers

Les îles Saint-Marcouf sont deux ilôts rocheux émergeant à trois milles au large de la plage prévue pour le débarquement, baptisée Utah. Comme il n’était pas impossible que les Allemands y aient placé des artilleurs, 132 hommes des 4e et 24e escadrons de cavalerie furent chargés de s’en rendre maîtres avant l’heure H. Lorsqu’ils mirent pied sur les grèves, à 4 h 30, ils furent piégés par quantité de petites mines S, qui bondissaient pour éclater à la hauteur de la ceinture en étripant les corps. Le calme de la nuit fut brisé par le bruit des explosions et les cris des blessés. L’un d’eux, Alfred Rubin, fut marqué par le spectacle d’un homme gisant à ses pieds qui crachait des caillots de sang, tel un roulement à billes. L’opération ne rencontra aucune résistance, mais elle se solda par dix-neuf tués et blessés.

Mal de mer

Malgré la prise de pilules ad hoc et les « sacs à vomir » distribués à chacun, rien ne s’avéra suffisant pour juguler le fléau sur les bateaux affreusement secoués par la tempête du 6 juin 44. « Les sacs de dégueulis étaient pleins, les casques étaient pleins, les seaux à incendie avaient été vidés de leur sable et remplis», témoigne le sergent William James Wiedefeld, de la 29e division, qui ajoute : « Pas moyen de se tenir debout sur les ponts d’acier et partout on entendait des types qui disaient : Tant pis si on doit se faire tuer, mais qu’on nous sorte de ces foutues baignoires. »

Descente aux enfers schato

Avant même d’essuyer les tirs ennemis, beaucoup d’hommes furent blessés en descendant des navires dans les péniches de débarquement au moyen de filets d’assaut. Ainsi, quand le caporal Harold Janzen, alourdi par deux rouleaux de câbles et plusieurs téléphones de campagne, voulut sauter dans l’embarcation balancée par les hautes vagues, il calcula mal son coup, tomba de quatre mètres dans le fond du bateau et fut assommé par son propre mousqueton. Un homme resta paralysé de douleur dans le filet, le pied écrasé entre l’embarcation et la coque du navire. Distrait par le cri du malheureux pendu au-dessous de lui, le sergent Romeo Pompei tomba la tête la première et se cassa les dents de devant. Thomas Dallas, major du 29e bataillon, et ses officiers étaient suspendus entre ciel et mer quand les palans se coincèrent, un mètre sous la vidange de la poulaine du navire. Et comme ces W.-C. ne cessaient d’être utilisés, témoigne Dallas, ils reçurent pendant un long moment une pluie des déjections sur la tête !

Cœur brisé

En plein débarquement, le sergent William Mac Clintock – du 741e bataillon de chars – trouva un soldat assis tranquillement au bord de l’eau, au milieu des rafales de mitrailleuses qui balayaient le terrain. Il « jetait des galets dans l’eau en pleurant sans bruit, comme si son cœur allait éclater».

Plus de peur que de mal

Durant la nuit du même jour, Richard Hilborn, lieutenant du 1er bataillon de parachutistes canadiens, atterrit sur une serre, provoquant un bruit d’enfer, mais il réussit à se dépêtrer et prendre la poudre d’escampette avant que le toit de verre ne s’effondrât complètement. Un autre aboutit avec une précision parfaite au fond d’un puits, d’où il put s’extraire grâce à ses sangles et rejoindre au plus vite le lieu de rassemblement. Le major Donald Wilkins rampait le long d’une petite fabrique, lorsqu’il stoppa net, pétrifié par un groupe de personnes qui, après observation attentive, s’avérèrent être des statues de pierre !

L’horreur

Le sergent Barton A. Davis, du 299e bataillon d’assaut du Génie, vit une embarcation pleine de troupes de la première division exploser devant lui. Des cadavres et des membres épars retombèrent autour de l’épave en feu. «J’ai vu les hommes, atteste-il, comme des points noirs, essayer de nager à travers la nappe de mazout qui s’étalait sur la mer et, comme nous nous demandions ce qu’il fallait faire, un torse sans tête traversa les airs et s’abattit près de nous avec un bruit flasque parfaitement écœurant.» Deux hommes seulement furent repêchés vivants, mais grièvement brûlés. Et pour éviter le tir nourri d’artillerie alliée de Saint-Aubin, un char américain – pourtant verrouillé pour raison de sécurité – démarra à toute allure sur la plage, écrasant les morts et les mourants. Fou de rage, le capitaine Flunder, pour enrayer la course folle du rouleau compresseur, arracha la goupille d’une grenade et fit sauter une chenille. Ce fut seulement en ouvrant le capot que les occupants, ahuris, réalisèrent leur gaffe.

Courtoisie de bonne guerre entre ennemis

Le 21 juin 1944, dans le village normand de Vauvert, deux officiers allemands s’invitèrent pour dîner dans la ferme de M. Henri Thouin à 10 heures. «Cela va sans doute vous faire plaisir : nous voudrions recevoir à notre table un commandant anglais qu’on vient de nous amener », ajoutèrent-ils, et l’Anglais partagea leur repas. L’atmosphère était conviviale. « Nos instants sont comptés, observe l’un des Allemands. Il serait dommage de ne pouvoir terminer ce déjeuner » et, s’adressant à l’officier britannique, lui confia: «Combien curieuse est notre situation! Actuellement, vous êtes notre prisonnier mais dans une heure, nous serons les vôtres! Un peu de café?» Le repas se poursuivit avec des cigares et des digestifs pour se terminer avec l’apparition des Américains. Quatre-vingts Allemands se rendirent, les dîneurs compris.

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