Fléau de Dieu pour les occidentaux, guerrier divin dans les mythes nordiques, héros fondateur chez les Hongrois, la figure historique d’Attila, roi des Huns, reste l’une des plus énigmatiques de son temps. « Trapu de corpulence, doté d’une large tête aux yeux profondément enfoncés, au nez aplati et à la barbe fine » comme le décrit l’historien grec Priscus, qui le rencontra en 448 PCN, Attila était en réalité à mille lieues des stéréotypes que lui accolaient ses adversaires. Certes d’un tempérament irascible et impétueux, le chef de l’Empire hunnique n’était pourtant pas aussi cruel qu’on le prétendait. De fait, le rapprochement dont il fit l’objet avec Gengis Khan provient essentiellement de l’époque à laquelle il est associé : l’effritement et l’effondrement subséquent de l’Empire romain d’Occident.
À la mort de son oncle, foudroyé sur le champ de bataille en l’an 434, Attila et son frère Bleda héritent d’un large empire constitué de différentes tribus nomades. Leur première action conjointe est d’aboutir à un accord de paix avec l’Empire romain d’Orient qui leur verse alors un tribut équivalent à 300 kg d’or chaque année. Toutefois, cette entente n’est que de courte durée puisqu’autour de 441, les termes de l’accord sont brisés par les Romains qui cessent de payer ce qu’ils appellent subtilement leurs « subsides » en échange des « services » des Huns.
En réponse, Attila et Bleda envahissent les enclaves romaines à la frontière danubienne et se livrent à d’importants pillages et saccages. De manière aussi inattendue qu’inespérée, les deux rois de l’Empire hunnique acceptent une trêve en 442 alors que les forces ennemies se trouvent encore à l’ouest. L’année suivante, les guerriers d’Attila marchent à nouveau vers Constantinople et arrivent, cette fois, aux portes de la capitale. Bien conscients que leur archerie montée ne peut sortir victorieuse d’un assaut direct sur les imposantes murailles de la cité, ils décident de se replier et de conclure un nouvel accord de paix après avoir exterminé les principales armées de l’Empire d’Orient. Ce nouvel accord leur vaut le versement par les Romains d’un tribut annuel trois fois supérieur à celui initialement fixé, soit 950 kg d’or.
Toutefois, les hostilités entre les deux empires ne cessèrent pas pour autant. De fait, après avoir fait assassiner son frère aux environs de l’année 445, Attila poursuit ses incursions en territoire romain et rase de nombreuses villes dans son sillage, particulièrement dans les Balkans. Il est finalement arrêté dans son élan aux thermopiles et doit se résoudre à entamer des pourparlers avec l’Empereur Théodose II. Il obtient ainsi un nouvel accord qui lui assure la retraite des troupes ennemies d’une large zone au sud du Danube et la reprise du versement des tributs.
Pourtant, le roi des Huns n’est pas au bout de ses démêlés avec les Romains.
Aussi entreprend-il de mener sa deuxième grande campagne militaire en marchant vers la Gaulle, en 451. Bien que les motifs de ce changement de front restent à ce jour obscurs, Attila prétend marcher vers le royaume wisigoth sans aucune hostilité à l’égard de l’Empereur romain d’Occident Valentinien III. Toutefois, c’est également à ce moment qu’Honora, la sœur de l’Empereur romain d’Occident, réclame l’aide de Attila contre un mariage qu’elle ne consent nullement. Pour ce faire, elle envoie au redoutable guerrier une bague que ce dernier interprète comme une demande officielle. Ainsi, Attila revendique alors la moitié de la Gaulle en tant que dote et s’oppose directement à l’Empire romain.
Dans ce contexte, le général romain Aetius, avec qui il entretenait autrefois une relation cordiale, rejoint le roi des Wisigoths, Theodoric I, afin de conclure un pacte visant à repousser l’invasion des Huns. Leur alliance est couronnée de succès puisqu’ils parviennent, ensemble, à bouter les forces de Attila hors des murs d’Orléans où elles avaient déjà commencé à s’installer. Toutefois, l’affrontement le plus emblématique de ces empires réside dans la bataille des champs Catalauniques durant laquelle Theodoric I trouve la mort, parvenant tout de même au préalable à faire battre en retraite les armés hunniques.
Ainsi survint la seule et unique défaite du roi Attila.
Au terme de cet épisode, le chef de guerre s’oriente alors, en 452, vers le nord de l’Italie où il ordonne l’invasion et le pillage de plusieurs villes dont Milan et Padoue. Néanmoins, la famine et la maladie le contraignent rapidement à se retirer du territoire sans même avoir pu traverser les Apennins.
De retour en Orient, Attila projette alors d’attaquer une nouvelle fois l’Empire romain mais se voit frappé par un coup du sort pour le moins indigne de ses ambitions.
En effet, après avoir célébré sa nuit de noces avec l’une des femmes de son harem, une germaine du nom d’Ildico, le roi des Huns est retrouvé mort dans son lit, du sang ayant coulé abondamment de son visage. La survenue brutale de ce décès suscite toujours la perplexité des historiens qui tentent d’élucider les circonstances mystérieuses de cet évènement. Plusieurs thèses sont ainsi avancées dont la plus reconnue aujourd’hui, celle d’une asphyxie entrainée par un saignement de nez alors que ce dernier se trouvait allongé sur le dos. D’autres théories soutiennent que le chef des Huns aurait succombé à une crise d’apoplexie en raison de sa consommation excessive de boisson la veille ou encore, qu’il aurait été victime d’un assassinat commandité par l’Empereur romain d’Orient Marcien.
Dans tous les cas, les facteurs de sa mort restent à ce jour entourés d’une large part d’ombre, tout comme l’emplacement de sa tombe qui demeure, à ce jour, inconnue.
En effet, afin d’éviter tout risque de pillage, ses malheureux fossoyeurs furent exécutés afin de ne jamais pouvoir révéler la localisation de la sépulture où reposait leur ancien chef de guerre, autrefois si redouté. Aujourd’hui, bien que certaines découvertes aient alimenté l’espoir des archéologues de mettre enfin la main sur ses vestiges, notamment au Kazakhstan, aucun indice n’a encore permis d’identifier formellement la dernière demeure du redoutable meneur d’hommes.
Ainsi, en dépit de la foudre qui signa littéralement le début de son règne, Attila s’éteignit en vérité comme une étincelle sur les plaines du Danube.
Auteur : Maxime Wève