Son témoignage est tardif, mais celui du témoin suivant, comme celui de Godefroy de Bouillon écrivant au pape, et de bien d'autres, n'est pas moins effrayant : lorsque le chevalier de Liétaud escalada le mur de la ville, « tous ses défenseurs s'enfuirent à travers la cité, et les nôtres les suivirent et les pourchassèrent en les tuant et les sabrant jusqu'au temple de Salomon, où il y eut un tel carnage que les nôtres marchaient dans le sang jusqu'aux chevilles ». Dix mille Sarrasins auraient été tués. Les femmes et enfants ne furent pas épargnés. Des milliers de cadavres s'amoncelaient, les guerriers pataugeaient dans le sang et en étaient éclaboussés sur tout le corps. L'odeur enivra les croisés de Godefroy de Bouillon, de Raymond de Saint-Gilles, de Bohémond de Tarente...
Les chroniqueurs justifient l'horreur par le fanatisme : les croisés « purifient » ainsi les lieux saints qu'ils jugeaient « pollués » par les Infidèles. Enfin, « lassés de tuer », les croisés entrèrent au Saint-Sépulcre pour rendre grâce à Dieu. Le 5 octobre, ils découvrirent une partie des reliques de la Vraie Croix. Un miracle ne venant jamais seul, ils trouvèrent encore l'énergie de partir à la rencontre d'une importante armée égyptienne venue reprendre la ville et la mirent en déroute le 12 août, à Ascalon, avec à la clef un important butin. Maintenant que l'objectif était atteint, ils n'avaient plus qu'à rentrer chez eux. Peu restèrent pour défendre les nouveaux États latins d'Orient. Aussi la victoire fut-elle précaire. L'ère des croisades ne faisait que débuter. Elle ne prendra fin qu'au XIIIe siècle.