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Campo de’ Fiori : le célèbre marché de Rome aux relents de fleurs … et de sang 🩸

Lieu symbolique de Rome, Campo de’ Fiori qui se trouve entre la Piazza Navona et le Palais Farnese, point de passage de milliers de touristes chaque jour, cache en réalité un passé bien sordide sous ses splendides étals de fruits et légumes dressés tous les jours de la semaine (sauf le dimanche) – si par chance on est de passage à Rome, Campo de’ Fiori a la réputation d’être le plus beau marché romain, et ses édifices antiques, ainsi que les restaurants alentour proposant une nourriture très typique, font de ce lieu un endroit très pittoresque et animé, valant le détour.

À l’origine du nom

Littéralement, nous pouvons traduire le nom de cette place par le « champ des fleurs ». Poétique, mais pas métaphorique, car au Moyen Âge, cette place était effectivement une vaste prairie diaprée, surplombée par la forteresse de la puissante famille Orsini et s’étendait jusqu’au théâtre de Pompée (au champ de Mars), construit par ce grand conquérant romain entre 61 et 55 ACN.

Des légendes circulent aussi à propos d’une certaine Flora qui aurait fait chavirer le cœur du général Pompée, lequel aurait fait construire un Théâtre à son honneur, aujourd’hui disparu, mais la première explication est plus plausible.

Une évolution significative : un centre économique et culturel phare, serti… d’un gibet

Durant le XVe siècle, la ville de Rome connut de nombreuses transformations et le pape Calixte III jouera un rôle significatif dans la renommée de la place de Campo de’ Fiori qui devint un centre économique, culturel et mondain des plus importants. Mais ses fonctions ne s’arrêtent pas là, et pour en avoir une idée plus précise, il nous faut parler d’un sombre témoin, décorant la place depuis 1889. Que diable signifie l’imposante statue de bronze au nom d’un certain Giordano Bruno, érigée au milieu de Campo de’ Fiori ?

En réalité, au temps de la Rome papale — et donc de l’Inquisition — se dressait là une potence, lieu d’exécutions capitales et de tortures. Giordano Bruno représente une très célèbre victime de cette sombre période, martyr symbolique de la liberté de penser. Philosophe né à Nola, il fut brûlé vif le 17 février 1600 et eut la langue clouée sur un mors de bois pour avoir défié le pouvoir spirituel du pape par des théories révolutionnaires sur l’infinité de l’univers qu’il n’a pas voulu renier, malgré 3 ans d’incarcération à la prison du Saint-Office. Dans la droite ligne du naturalisme de la Renaissance, inspiré par plusieurs traditions philosophiques, il a conceptualisé la pluralité des mondes, définissant l’univers comme étant composé de mondes infinis égaux en valeur, allant ainsi à l’encontre des dogmes de l’Église catholique qui voyaient en la Terre le centre de l’Univers, selon le mythe de la création biblique. Sa philosophie lui survivra et il ouvrira notamment la voie aux travaux de Galilée avec le principe de la relativité du mouvement.

C’est ainsi que 3 siècles plus tard, en 1889, après une longue bataille menée par de nombreux intellectuels de l’époque (tels Walt Whitman, Victor Hugo, Silvio Spaventa ou encore Henrik Ibsen) contre l’opposition du clergé, le sculpteur Ettore Ferrari érige une statue à son effigie, en le représentant vêtu de l’habit typique de frère dominicain, alors qu’il avait pourtant renoncé à sa foi — l’Inquisition, pour valider son accusation, l’avait considéré comme un religieux, hérétique laps et relaps (retombé donc dans l’hérésie après l’avoir abjurée une première fois). Pour les francs-maçons et les laïcs italiens, Giordano Bruno devint le symbole de la libre pensée et de la lutte contre l’obscurantisme.

Aux juges prononçant sa sentence, il répondit par cette phrase devenue célèbre : « Forse tremate più voi nel pronunciare contro di me questa sentenza che io nell'ascoltarla » (« Vous tremblerez sans doute plus en prononçant contre moi cette sentence que moi en l’écoutant »).

Détail anecdotique, mais pas moins significatif : sa statue est orientée vers le Vatican, comme un signe de défi.

Mélanie Castermans

Mathilde

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