De 58 à 51 avant J.-C., César conquit la Gaule au cours de cinq campagnes et avec seulement huit légions. Durant le grand soulèvement de – 52, les Gaulois se regroupèrent sous l’autorité du chef arverne Vercingétorix (vers 72-46 av. J.-C.). Il défendit avec succès Gergovie, mais dut capituler à Alésia, « oppidum » gaulois dans lequel il s’était renfermé avec une armée de 80 000 hommes et la population. Ensuite, César put annexer la totalité de la Gaule.
Nos ancêtres les Gaulois : un mythe gauchiste !
C’est à Napoléon III que revient le mérite d’avoir mis en œuvre la recherche sur la civilisation gauloise. Mais c’est la Troisième République qui eut l’idée de faire remonter l’origine de la nation française à ce peuple en lieu et place des Francs, balayant ainsi une idée ancrée depuis trois cents ans.
Au XVIIe siècle, la noblesse avait élu Clovis fondateur de la France, sans doute parce qu’il était le premier monarque à avoir possédé une partie de la Gaule, mais surtout parce qu’alors le roi n’était encore que le premier parmi ses pairs, c’est-à-dire les aristocrates. Cette interprétation idéalisée donnait à leurs adversaires, dans le dernier tiers du XIXe siècle, l’occasion d’en donner une autre qui s’est avérée, depuis, dénuée de fondement : ces roturiers de Gaulois — en fait, une cohue de peuples sans unité —, non assujettis à un roi, avaient préfiguré la démocratie et la nation et, en outre, avaient eu l’avantage de ne pas connaître l’Église catholique au temps de Vercingétorix… Tout d’un coup, le vaincu d’Alésia devenait, par sa résistance à l’envahisseur, le premier héros de l’histoire de France, ce qu’il restera, dans les manuels scolaires, jusque vers 1950.
Ce n’est donc pas un hasard si, en octobre 1903, le président du Conseil Émile Combes alla inaugurer sa statue, sculptée par Bartholdi, à Clermont-Ferrand, non loin du site de Gergovie. Une autre, en fonte, de François Mouly, avait déjà élevée à Gien (Loiret) en 1887. Mais la première fut érigée en 1865 à Alise-Sainte-Reine, sur la pointe du Mont Auxois, en Bourgogne, après les fouilles que Napoléon III fit entreprendre sur le site présumé de la célèbre bataille. Œuvre d’Aimé Millet, commandée et financée par l’empereur, haute de 6,60 mètres, elle dévoile un chef au visage à la fois dur et triste, moustachu et chevelu, en armure, les mains appuyées avec vigueur sur une épée, bref un vrai héros romantique. Cette représentation est en effet peu crédible, car la moustache n’est que pure supposition et la mode de la chevelure abondante date des Mérovingiens. En outre, il lui manque le casque ailé, justement immortalisé sur les paquets de cigarettes Gauloises depuis l’après-guerre. Les ailes faisaient référence à la culture romaine et aux trophées associés aux triomphes.
En fait, on n’a gardé aucun portrait antique de l’Arverne. Son vrai visage pourrait tout au plus figurer sur un denier frappé en 48 avant J.-C. à Rome, où il était alors captif.
En 1962, l’éminent latiniste André Berthier identifiait le seul site qui, selon lui, coïncidait avec Alésia : Chaux-des-Crotenay (Jura). Mais depuis les fouilles franco-allemandes des années 1990, la plupart des spécialistes s’accordent cependant pour confirmer qu’il s’agit d’Alise-Sainte-Reine, en Côte d’Or. Le 22 mars 2012, le Museo Parc Alésia y était inauguré par François Fillon. Trois mois plus tard se tenaient les « Journées Alésia André Berthier 2012 »…
Discipline militaire féroce
Vercingétorix n’a pas lésiné sur les mesures disciplinaires pour transformer ses bandes d’hommes en une armée digne de ce nom. Pour les fautes graves, les indisciplinés enduraient d’atroces supplices avant d’être brûlés selon un ancien rituel druidique remis à la mode. Pour les fautes légères, on se contentait de couper les oreilles ou de crever les yeux, tout simplement… Les mutilés étaient ensuite renvoyés dans leurs villages, pour servir d’exemple !
Anthropophagie envisagée à Alésia
Quand Vercingétorix s’inquiéta de voir les provisions de vivres diminuer dans son retranchement, il se résolut à chasser vers les Romains les bouches inutiles, c’est-à-dire les femmes, les enfants, les vieillards mandubiens, et sans doute aussi les blessés incapables de combattre. C’est alors qu’un vieux guerrier arverne, Critognatos, eut la géniale idée, pour permettre aux hommes valides de tenir plus longtemps, de « faire servir à la prolongation de leurs existences les bouches inutiles », autrement dit, de recourir au cannibalisme ! Son avis fut rejeté. En faisant preuve de leur humanité, les Gaulois démontrèrent que César avait raison de ne pas les qualifier, sauf exception, de « barbares » !
Pour la petite histoire, la seule version latine du maréchal Pétain conservée dans les archives familiales, effectuée lorsqu’il était élève au collège Saint-Bertin à Saint-Orner, est précisément la translation de cet épisode. Bon ou mauvais présage ?
Fin atroce
A l’issue de la bataille d’Alésia, Vercingétorix se rendit à César, fut mis aux fers et transféré à Rome. Pendant cinq ans, César le laissa croupir dans un cachot obscur, humide et sans air de la prison du Tullianum. Lorsque, le 25 juillet – 46, il rentra à Rome, le vainqueur organisa des fêtes pendant deux mois pour célébrer ses diverses conquêtes. Vercingétorix défila de longues heures avec le premier cortège, les fers aux pieds et aux mains, exposé aux regards et aux quolibets de la foule. Pendant le trajet, l’essieu du char portant César cassa net, accident qui vint quelque peu saper le prestige du grand Jules… Si le ridicule ne tue pas, la cérémonie, elle, se clôtura par l’étranglement de Vercingétorix au Tullianum. Selon l’usage, son corps fut attaché à un croc de boucher, traîné au sol, puis exposé sans sépulture aux Gémonies pour être dévoré par les rats et les charognards.