Pas de décoration pour le chat héroïque de 14-18, qui finira dans la casserole …
Photos d'illustration qui ne représente pas le chat de Martial Lekeux, dont il est question dans cet article.
Les soldats et les civils n’ont pas été les seuls à pâtir des tourments de la Première Guerre mondiale. De nombreux animaux, en premier lieu les chevaux, certainement les premiers exposés parce que bien souvent sur la ligne de front avec les combattants, souffrirent aussi dans ce combat. Il faut aussi compter les ânes et autres mulets sur le front italo-autrichien ou encore sur le front de l’Yser les chiens qui tiraient les affuts de mitrailleuse. Sans oublier les autres, chiens et chat «civils» qui n’avaient que le tort de se trouver dans des zones vouées à la destruction. Un exemple parmi d’autres, le bouvier des Flandres, dont il fut nécessaire de faire renaître la race presque entièrement disparue durant les combats des Flandres.
Voici une histoire étonnante, elle est le fait d’un héros belge qui avait la particularité d’être à la fois soldat et moine. Son nom est Martial Lekeux. Il avait trouvé sur un champ de bataille une petite boule de poils miaulant. Lekeux en avait fait son animal de compagnie. Un chat des plus gentils qui prenait un malin plaisir à jouer avec la tenue de l’aumônier en pleine messe, par exemple. Mais Martial s’en amusait et lui pardonnait tout, à ce petit compagnon qu’affectueusement il avait surnommé Pitoutchi.
Pitoutchi fut, à sa manière, un héros, en sauvant la vie de celui à qui il avait lié son destin. Martial Lekeux était en poste à Oud-Stuyvekenskerke, un des points les plus stratégiques pour l’armée belge. Il avait affûté son sens de l’observation et était réputé pour son œil d’aigle.
Un soir, il se demande à quoi peut correspondre l’agitation en face de sa position et ce que font les Allemands en remuant la terre, là à quelques centaines de mètres.
La nuit tombée, Lekeux décide de partir en reconnaissance. La messe terminée, il se chausse et, à peine prêt, son chat décide de l’accompagner en lui sautant sur l’épaule. Cela ne dut pas le gêner outre mesure car il ne fit rien pour le dissuader et les voici partis tous les deux.
Ensemble, il passent sous les barbelés et se cachent dans un cratère d’obus rempli d’eau, pour attendre le lever du jour.
Au petit matin, Martial, qui n’est qu’à un peu plus de vingt mètres de l’ennemi, comprend que celui-ci est en train d’agrandir et d’améliorer son réseau de défense. Il commence bien entendu à tout noter scrupuleusement pour faire son rapport quand, soudain, des cris s’élèvent. Les Prussiens crient et montrent du doigt son emplacement, ils ont certainement dû le repérer. Une patrouille s’avance en rampant pour s’assurer de ce qui se passe.
Lekeux sent son dos se glacer. Il a oublié son arme et il est là, essayant de ne faire qu’un avec la terre de sa cachette, cherchant un moyen de s’en sortir.
Mais la situation est claire, s’il ne bouge pas les Prussiens s’empareront de lui. S’il bouge pour tenter de regagner ses lignes, son sort sera presque à coup sûr la mort. Les Allemands ne peuvent pas rater une cible aussi facile dans ce paysage n’offrant aucun abri. En bon catholique qu’il est, Martial se met à prier de toutes ses forces tout en cherchant une échappatoire possible. De sa bouche, sort un « Jésus » suffisamment murmuré pour que le chat l’entende. Ce dernier, habitué qu’il est de faire le petit sot à la messe, dans un réflexe pavlovien, se met à faire des cabrioles et à courir un peu partout dans et autour du trou. Cela jusqu’à ce qu’un des Allemands le vise et tire dessus en le ratant mais en le faisant détaler. Pitoutchi a la peur de sa vie mais les Prussiens sont rassurés : l’incident se résume à un chat errant égaré entre les lignes. Ils s’arrêtent et font demi-tour au grand soulagement de notre moine-soldat qui a dû se dire, mais il devait y être habitué, que le divin ce jour-là y était vraiment pour quelque chose !
Lekeux parvint a rejoindre ses lignes sans encombre. On ne dit pas ce qu’il donna à manger à Pitoutchi ce soir-là mais gageons qu’il eut droit à une double ration !
Pas ingrat pour un sou, le lendemain Lekeux proposait son chat pour une décoration en signalant qu’il faisait preuve d’un grand courage car il n’avait pas hésité à exposer sa vie pour détourner sur lui le danger et ainsi sauver son supérieur. La médaille ne fut malheureusement pas accordée et plus triste encore, Lekeux s’absenta un jour et confia Pitoutchi à un de ses subordonnés qui, au retour du moine, dû avouer à son supérieur que le chat avait disparu.
Tous se mirent à le chercher, sans succès. Ils arrêtèrent leurs investigations, atterrés, quand ils entendirent un brave soldat dire à la cantonade qu’il s’était régalé d’un délicieux ragoût de lapin en précisant, en riant de toutes ses dents, que ce lapin faisait « miaou ». La vie est souvent bien ingrate, même pour les chats héroïques...