Claude et son physique ingrat – Tragique histoire d’un empereur mal né

Après le règne désastreux de Caligula, l’accession au pouvoir de Claude devait marquer le début d’une ère nouvelle. Soucieux de donner satisfaction à son peuple, Claude s’efforça par conséquent de s’acquitter au mieux de sa charge. Il mena ainsi une politique de centralisation de l’administration des provinces, présida de nombreuses audiences sénatoriales et entama la conquête de la Bretagne, demeurée jusqu’alors insoumise. Malgré ses compétences et son indubitable intelligence, il fut pourtant la risée du peuple pendant toute la durée de son règne. En cause : son physique peu avantageux qui, du jour de sa naissance à celui de sa mort, empoisonna la vie de l’empereur.

Antonia la Jeune, la mère de Claude, rebutée par la démarche mal-assurée de son fils, fut en effet la première à tourner en ridicule son infirmité. Claudiquant et bégayant, l’enfant n’avait de fait pas été gâté par la nature. Antonia, en outre, répétait à qui voulait bien l’entendre qu’il n’était qu’un avorton maladif et stupide, tandis qu’elle mettait son aîné, Germanicus, sur un piédestal. Le tempérament guerrier de ce dernier, mêlé à un incroyable talent pour l’éloquence, faisait effectivement de lui le prétendant idéal à la succession de Tibère, qui l’adopta.

La mort de Germanicus, en 19, bouleversa néanmoins les prévisions de l’empereur, qui désigna Drusus le Jeune, son fils, et Caligula, son petit-neveu, comme successeurs légitimes. Toutefois, par un étrange concours de circonstances, le premier fut empoisonné avant d’accéder au trône, tandis que le second fut assassiné au bout de quatre ans de règne. Claude fut de ce fait proclamé empereur en l’an 41 de notre ère, alors même qu’il occupait une place de second rang au sein de la famille impériale.

Pour autant, il prit tout de suite sa tâche très au sérieux, mais, malgré ses efforts, ne parvint jamais à s’attirer la confiance du Sénat. Cette méfiance des sénateurs, due notamment à son physique peu engageant, fit suite au comportement inconsidéré de son épouse, Messaline, avec la complicité de laquelle il assassina plusieurs sénateurs et chevaliers romains, jugés dangereux par le couple impérial.

Cette succession d’assassinats, dont le but premier était de protéger Claude de ses opposants ainsi que d’accroitre sa popularité, eut pourtant l’effet inverse. Bien vite, des rumeurs commencèrent à circuler au sujet de Messaline, dépeinte par Tacite comme une perverse infidèle. Claude, au contraire, fut figuré par les historiens comme un homme profondément stupide, à la merci d’une épouse manipulatrice. Celle-ci finit d’ailleurs par se suicider, lorsqu’elle apprit que son époux avait été mis au courant de son infidélité.

Claude, pressé de se remarier, entama quelques mois plus tard une liaison avec Agrippine la Jeune, sa nièce. Le peuple, bien entendu, réprouva cette union incestueuse, ce qui n’empêcha pas l’empereur d’épouser Agrippine. De nouveau sous l’emprise d’une femme de caractère, Claude se vit ensuite contraint d’adopter Néron, le fils de cette dernière, qu’elle espérait voir un jour monter sur le trône.

Les années passant, Claude sembla néanmoins regretter cette décision. Au cours des derniers mois de sa vie, il envisagea même de céder sa toge prétexte à Britannicus, le fils qu’il avait eu avec Messaline. D’après Tacite, l’impératrice, ayant eu vent de cette affaire, aurait demandé à Locuste, empoisonneuse de profession, de mettre fin aux jours de son mari. Elle s’exécuta le 13 octobre 54, profitant de ce que l’empereur s’était rendu à un festin pour lui servir un ragoût de champignons empoisonné.

Sénèque, à l’annonce de la mort du souverain, entama aussitôt la rédaction de l’Apocoloquintose de Claude. Cet ouvrage, relatant la transformation de Claude en citrouille, constitua l’humiliation ultime de l’empereur. Sénèque en brossa en effet un portrait dévastateur, qui poursuivit Claude des siècles après sa disparition. Décrit comme un homme glouton et hébété, il demeura à jamais le gringalet souffreteux de ses jeunes années. Grand oublié des écrivains et réalisateurs, il n’inspira par ailleurs aucune œuvre majeure aux artistes des siècles à venir, contrairement à son successeur Néron.

Auteur : Élise vander Goten

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