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Coco Chanel, créatrice de la célèbre maison de couture portant son nom, est aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes couturières de mode françaises, étant à l’origine de nombreuses créations ayant marqué leur époque. Cependant, son comportement sulfureux reste aujourd’hui sujet à controverse. Ainsi, cette célèbre couturière fut-elle une patronne respectable, féministe convaincue et soucieuse du bien-être de ses employés ? Ou bien apparaît-il que la réalité est en fait plus nuancée ?

Gabrielle Bonheur Chasnel naquit à Saumur en août 1883, au sein d’une famille de marchands forains cévenols. Son père, Henri-Albert Chasnel, devenu veuf en 1895, après que son épouse lui a donné six enfants, décida alors de placer ses trois filles dans l’orphelinat de l’abbaye d’Aubazine, en Corrèze. Ses deux fils, quant à eux, furent confiés à l’assis- tance publique (à noter que le sixième enfant du couple, Augustin, était décédé en bas âge).

Pendant son séjour à l’orphelinat, Gabrielle apprit la couture, menant une vie austère aux côtés des moniales. En 1903, comme la jeune femme ne souhaitait pas rentrer dans les ordres, elle fut placée en tant que couseuse au sein de la Maison Grampayre, à Moulins, un atelier de couture spécialisé dans les trousseaux et les layettes.

Dans les années qui suivent, Gabrielle se mit à rêver de faire carrière dans le music-hall. En 1906, elle commença à se produire en spectacle devant des officiers de cavalerie, qui la surnommèrent « Coco », car elle avait l’habitude de chanter Ko Ko Ri Ko et Qui qu’a vu Coco dans le Trocadéro ? Devenant très courtisée, la jeune femme s’immisça ainsi dans la haute société, commençant à confectionner des chapeaux. Puis, grâce au soutien financier de ses courtisans, elle ouvrit une première boutique à Paris en 1910, baptisée « Chanel Modes ». Forte de son succès, Coco ouvrit une seconde boutique à Deauville, en 1913 (« Gabrielle Chanel »), puis une troisième à Biarritz, en 1915 (sa première vraie maison de couture). Pendant le premier conflit mondial, Coco fut contrainte de faire face aux restrictions imposées par la guerre. Elle décida alors de créer des vêtements pour femmes retaillés à partir de maillots masculins. Son objectif était à cette époque de donner naissance à des habits simples et pratiques, jouant sur un style androgyne. Gagnant beaucoup d’argent, elle devint après la guerre indépendante financièrement.

À compter des années 1920, Coco s’associa avec les frères Wertheimer, propriétaires de la marque Bourjois, afin de commercialiser une gamme de parfums (dont le célèbre N° 5, créé en 1921). Elle continua à jouer sur le style « garçonne » (symbolisé par les cheveux courts et les robes en coupe droite, ne marquant ni la poitrine ni la taille), qui fut très populaire pendant les années folles1. À noter enfin que Coco, restée célibataire (c’est ainsi qu’elle reçut le surnom de « Mademoiselle »), entretint à cette époque des liaisons avec plusieurs amants, le plus célèbre d’entre eux étant Hugh Grovesnor, duc de Westminster, un célèbre aristocrate britannique.

À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Coco était à la tête d’un véritable empire financier, embauchant plus de 4 000 ouvrières, et fournissant 28 000 modèles par an. Cependant, une grève éclata en 1936, les salariés de Chanel réclamant de meilleurs salaires.

Mais en 1939, après avoir présenté une éphémère collection « bleu-blanc-rouge », Coco décida de fermer ses boutiques, arguant que la mode n’avait pas sa place en temps de guerre, préférant concentrer son activité sur la parfumerie (il s’agissait vraisemblablement de représailles suite à la grève évoquée plus tôt).

Ouvertement antisémite, Coco considérait que les juifs étaient une menace pour l’Europe. Ainsi, s’appuyant sur les lois antisémites du régime de Vichy, elle tenta de s’attaquer aux frères Wertheimer, qui étaient de confession juive et possédaient 70% des parfums Chanel depuis 1924. Cependant, la requête n’aboutit pas, car ces derniers, avant de se réfugier aux États-Unis, avaient confié la marque Bourjois à un de leurs amis, Félix Amiot (un industriel français constructeur d’avions). Coco dénonça alors cette fausse « aryanisation » de Bourjois, mais en vain.

Installée à l’hôtel Ritz depuis 1937, elle décida de ne pas quitter sa suite lorsque le bâtiment fut réquisitionné en 1940 par la Luftwaffe. En outre, elle entretint une liaison avec Hans Günther von Dincklage, un ancien attaché d’ambassade travaillant pour l’Abwehr. C’est ainsi que Coco fut recrutée comme espionne, sous le nom de code Westminster (du nom de son ancien amant).

En 1943, Coco se rendit à Berlin en compagnie de Dincklage, rencontrant Reinhard Heydrich, chef du RSHA. C’est ainsi que fut élaborée l’opération Modelhut (ou « chapeau de couture »), destinée à signer une paix séparée entre l’Angleterre et le Troisième Reich. En effet, les nazis tablaient sur les anciennes fréquentations de Coco et son amitié avec Winston Churchill, Premier ministre britannique. Cependant, le projet s’acheva sur un échec, étant rapidement éventé par Londres.

À la Libération, Coco fut interrogée par un groupe des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) chargé de l’épuration. Cependant, malgré son comportement plus qu’équivoque pendant la guerre, elle fut rapidement relâchée (peut-être grâce à l’intervention de Churchill ?).

En 1944, elle partit s’installer en Suisse, ne rentrant à Paris qu’en 1954. C’est à cette date qu’elle dessina une nouvelle collection, en collaboration avec les frères Wertheimer, entre-temps rentrés des États-Unis. Cependant, tandis que la mode était alors aux vêtements cintrés, tels que promus par la Maison Dior, ses créations furent vivement critiquées par la presse française (d’autant que le passif de la collaboration était encore présent). Néanmoins, les créations de la Maison Chanel remportèrent un certain succès d’estime au cours des années 1950, habillant de nombreuses personnalités.

Cependant, au cours de la décennie suivante, qui vit apparaître la mode de la minijupe, Coco Chanel s’y opposa vivement, considérant (à l’instar de Christian Dior), que les genoux étaient une partie disgracieuse du corps.

Par ailleurs, cette dernière resta toute sa vie opposée au féminisme : Les femmes qui portent la culotte, ça me dégoûte ! Je crois à leur faiblesse, pas à leur force.

Ne s’étant jamais mariée, Coco eut une vieillesse solitaire, continuant à travailler dans le milieu de la mode jusqu’à sa mort, en janvier 1971. Au final, il apparaît que Coco Chanel fut un personnage à la réputation bien plus complexe qu’on ne pourrait le croire aujourd’hui, réalisant des vêtements libérant le corps des femmes (le style « garçonne » des années 1920), mais opposée au féminisme ; négociant avec les frères Wertheimer, membres de la communauté juive, mais se déclarant ouvertement antisémite lors de l’Occupation.

On peut noter d’ailleurs que le comportement tendancieux de cette célèbre couturière embarrasse aujourd’hui au plus haut point le groupe Chanel, qui continue à rejeter toute accusation d’antisémitisme à l’encontre de sa fondatrice, tout en reconnaissant à demi-mot que Coco Chanel conserve toujours une « part de mystère ».

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Raissa

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