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Des préparations à base de plomb, un impôt sur la barbe et les secrets de beauté de Marie-Antoinette

Si les cosmétiques étaient très prisés en France et en Asie, dans d’autres cours européennes, ils étaient bannis.
Voici quelques exemples des tendances cosmétiques d’alors au Japon, en Angleterre, en Russie et en France.​

Au Japon

L’ère Edo, qui s’étend du XVIIe au XIXe siècle, correspond à une époque d’urbanisation croissante du Japon durant laquelle une société bourgeoise émerge. (….) 

Les épouses aussi devaient dans leur apparence respecter leur rang. Elles dépendaient de leurs maris, mais, dans certaines circonstances, certaines femmes de samouraï pouvaient devenir chef de famille au décès de ce dernier. D’une façon générale, toutes les femmes pouvaient divorcer et n’avaient pas le droit de tromper leur mari, tandis que ce dernier pouvait le faire.

 

À partir du XVIIe siècle, l’imprimerie permettra la diffusion de livres sur la beauté. Les femmes de toutes les classes sociales voudront s’approprier ce savoir qui jusque-là était l’apanage des dames de la cour. En 1769, un livre de conseil pratique pour les femmes, Jokyo tsuyabunko, considérait qu’il était aussi important pour une femme d’être vertueuse qu’attractive. L’on soulignait le fait que les femmes qui agissaient sur leur beauté étaient intelligentes car cela permettait de se marier dans de meilleures familles. Cela représentait une rupture dans la façon de penser traditionnelle, car pour la première fois l’on signifiait que des femmes devaient faire des efforts pour changer leur apparence.

Visiblement, pour les femmes de cette époque, la qualité de leur peau était leur principale préoccupation. Le maquillage ne pouvant être bien appliqué que si celle-ci était en parfait état. Les principales caractéristiques de ce dernier étant un visage au teint blanc obtenu grâce à de l’oshiroi sur le visage et le cou, et des lèvres sombres. Certains codes sociaux se devaient aussi d’être respectés : une femme mariée se noircissait les dents comme signe distinctif de son état, et une femme qui avait les sourcils épilés signifiait ainsi qu’elle était mariée et qu’elle avait au moins un enfant.

L’origine de cette esthétique japonaise, qui met l’accent sur ce contraste noir et blanc, est ancestrale. (…)

Recettes pour avoir un teint éclatant : l’on considérait qu’une mauvaise circulation sanguine faisait stagner le sang dans le visage et brouillait donc le teint. Cette recette a donc pour objectif de diminuer le sang présent à la surface du visage.

 – Blanc de plomb, 150 gr ;

– Massicot (oxide de plomb), pigment naturel anorganique, 30 gr ;

– Oxyde de mercure, 75 gr ;

 – Poudre de coquillage de Vénus (Meretrix lusoria), 75 gr.

En Angleterre

Dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, encore empreinte d’un certain puritanisme, les nobles se maquillaient très peu, même si à certaines époques l’usage de fard avait été commun, notamment sous les Stuart. Une loi du Parlement anglais de 1770 assimilera même les femmes portant du rouge à lèvres à des sorcières. Elles pouvaient, en effet, potentiellement séduire des hommes mariés à l’aide de cosmétiques, qui avaient donc un pouvoir diabolique.

 

Seul un teint soigné importait. La duchesse de New Castle conseillait d’utiliser de l’acide sulfurique pour enlever les tâches sur le visage. En Angleterre, il était aussi d’usage courant de se faire des saignées pour obtenir un teint blafard.

En Russie

En Russie, Pierre Le Grand, après un long voyage en Europe, a voulu donner une impulsion décisive pour ancrer son pays dans un monde en pleine évolution. Ce tsar de la dynastie des Romanov fera accéder la Russie au rang d’une grande puissance qui devait rivaliser avec les autres royaumes européens. Les nombreuses réformes devaient aboutir à une modernisation de l’armée, de l’Église mais aussi des mœurs.

 

 

L’abandon de la barbe, symbole de la Russie ancestrale, sera l’une de ses priorités. En 1717, un voyageur anglais, John Perry, écrivait : « Les Russes vouaient à leur barbe un respect quasi religieux : ils la peignaient et la lissaient en s’efforçant de ne pas perdre un poil. Les prêtres les maintenaient dans cette coutume en donnant comme exemple les saints représentés barbus sur leurs icônes. »

Pour financer ses grands travaux, il institua un impôt sur la barbe, dû par ceux qui refusaient de se plier à son oukase l’interdisant. Seuls les religieux orthodoxes furent dispensés de cette obligation.

Les tarifs étaient en relation avec le statut social des réfractaires :

– 100 roubles pour les nobles et les hauts fonctionnaires ;

 – 60 roubles pour les courtisans et commerçants ;

– 30 roubles pour les laquais et les cochers ;

 – 1/ 2 kopeck à la sortie de chaque ville pour les paysans.

Le tsar coupera lui-même la barbe des grands seigneurs et fera placer aux portes de Moscou des barbiers qui devaient raccourcir cet emblème du passé.

Les vêtements devaient aussi évoluer. Le tsar ordonna le port de costumes européens, hormis pour les religieux et les paysans. Ces changements brutaux allaient être dénoncés comme étant l’œuvre de Satan.

Les femmes n’avaient pas attendu les réformes de Pierre le Grand pour rivaliser avec les autres cours européennes. Le maquillage était déjà très important. On appelait les belles femmes « prékrasnaïa baba » (femme très rouge) car toutes, quelle que soit leur condition, usaient de fard et de rouge. Les femmes peu aisées employaient de l’infusion de cochenille et du suc de betterave. L’épilation des sourcils était aussi très importante.

Quelques années plus tard, ce sera une femme d’origine allemande, Catherine la Grande, qui parachèvera cette modernisation de la Russie. Arrivée à l’âge de 14 ans en Russie, elle tombera rapidement malade. Amaigrie, pâle, sa belle-mère Élisabeth lui conseillera de se farder en rouge pour paraître plus présentable. Cette femme d’État qui avait été délaissée par son mari collectionnait les amants. Elle prenait un grand soin de son apparence et changeait trois fois par jour de robe.

Pour avoir des lèvres rouges et gonflées, elle demandait quotidiennement à ses servantes de les sucer et de les mordiller.

(…)

 

Enfin, celle qui était connue pour ses relations multiples prenait un grand soin de son corps. Elle maintenait ses seins fermes avec des glaçons.

Recette : « 50 grammes de fleurs de pâquerette dans 1 litre d’eau froide. Faire chauffer et laisser bouillir dix minutes, puis filtrer. Ajouter dix millilitres d’huile essentielle de serpolet préalablement diluée dans deux cuillères à soupe de lait en poudre. Faire des glaçons avec ce mélange et l’appliquer chaque jour sur les seins de l’extérieur vers l’intérieur. »

En France

Louis XVI

C’est dans un tel contexte que Marie-Antoinette grandit. À l’âge de quatorze ans, elle sera envoyée dans une cour de France totalement à l’opposé de la cour des Habsbourg. Timide, parfois maladroite, elle ne s’accommodera jamais aux mœurs françaises. Elle restera toujours en contact avec sa mère et les membres de sa famille à travers une abondante correspondance. Dans ces lettres, sa famille lui dictera l’attitude qu’elle devait adopter, jusque dans les détails les plus intimes de sa vie.

Avec une telle influence, il n’est pas étonnant, dès lors, qu’elle n’ait pas voulu se maquiller comme cela était d’usage à la cour. Elle était, notamment, contre l’usage de la céruse. À travers sa volonté de naturel, elle se montrera en adéquation avec les aspirations du Siècle des Lumières. Cette femme, qui sera appelée avec dédain « l’Autrichienne », deviendra pourtant une icône moderne. Par la simplicité de ses goûts, cette reine qui se voulait moderne influencera la mode en gardant un charme et une fraîcheur qui seront les secrets de son succès.

Recettes de beauté de Marie-Antoinette

Soins de peau : « Prendre une pinte de crème fraîche, jetez dedans les fleurs de nénuphar, de lis, de fèves, de roses ; faites bouillir le tout dans un bain-marie, il en sortira une huile que vous conserverez dans une fiole. »

Nettoyage de la peau. Elle utilisait du vinaigre ou du lait virginal : « Prenez parties égales de Benjoin et de Storax. Laissez fondre dans une suffisante quantité d’esprit de vin, qui prendra une couleur rougeâtre, et qui exhalera alors une odeur très suave. Quelques personnes y ajoutent un peu de baume de la Mecque. Versez en quelques gouttes dans l’Eau Commune bien claire ; elle blanchira aussitôt en l’agitant ; les Dames s’en servent avec succès pour nettoyer le visage. »

Remède antirides : « Mettre du placenta sur le visage » ou « Eau cosmétique de pigeon. Deux pigeons, du pain blanc, des noyaux de pêche, quelques semences, des blancs d’œuf, du jus de citron. Laisser macérer dans du lait de chèvre avec de l’eau distillée, dans lesquels sont ajoutés du camphre, du borax, du sucre candi et de l’alun brûlé. Ce mélange doit être, par la suite, exposé au soleil pendant trois jours, puis conservé à la cave pendant quinze jours. Après avoir filtré le liquide on peut l’appliquer. »

Pour blanchir la peau : « L’eau d’ange. Composition : benjoin, santal, citron, iris, noix de muscade, cannelle, bois de rose, eau de myrte, musc, civette. »

Soins des mains : « Dormir avec des gants enduits de cire, d’eau de roses, d’huile d’amandes douces. »

Soins des cheveux blonds : « Masque composé de mélange de safran, de curcuma, de santal et de rhubarbe. »

Par Sylvie Bailly

Références :
Prümm A., « L’impôt sur la barbe », 2002.
Nougaret P. J. B., Beautés de l’histoire de Russie : contenant tout ce qu’il y a de plus curieux…, Paris, Belin, 1820, pp. 206-207.
De Feydeau E., Jean-Louis Fargeon, le parfumeur de Marie-Antoinette. Librairie académique Perrin, 2005 (collection Les Métiers de Versailles)

Mathilde

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