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Deux guerres pour arriver à coincer le géant du renseignement…

Walthère Dewé naît le 16 juillet 1880 à Liège en Belgique. Reçu ingénieur des mines en 1904, il complète ses études par une année supplémentaire pour obtenir le grade d’ingénieur électricien. La même année, il réussit l’examen d’entrée à la Régie des Télégraphes et Téléphones.

 

Rien ne le prédispose à entrer en guerre avec l’Allemagne, si ce n’est son caractère, son patriotisme et un cousin du nom de Dieudonné Lambrecht.

 

Son cousin Lambrecht a été un des précurseurs de l’espionnage durant la Première Guerre. Une fois tombé, c’est Dewé qui va reprendre la direction du réseau créé par celui-ci. La première chose qu’il va faire en ce début d’année 1916, c’est de lui donner un autre nom : il choisit celui de « Dame blanche ».
Pour cet érudit, c’est déjà un peu faire la nique aux Prussiens. Ce nom, en effet, renvoie à une légende qui dit que, à chaque décès d’un Hohenzollern (le nom de la famille de l’empereur allemand), le fantôme d’une femme habillée de blanc apparaît dans leur château.

Dewé ne laisse plus aucune place à l’amateurisme. Son principe de base, c’est le cloisonnement total. Le territoire est divisé en quatre grands secteurs, tous coupés les uns des autres, avec un responsable à la tête de chacun. Seuls les responsables de ce secteur, soit 4 hommes en tout, connaissent Dewé. Le but de la manœuvre, c’est que si un des quatre secteurs tombe aux mains de l’ennemi, il se trouve immédiatement isolé et ne peut faire tomber les autres qu’il ne connaît pas.

Précaution supplémentaire: si l’état-major venait lui-même à être pris, un homme qui n’en fait pas partie connaît les boîtes aux lettres de chaque bataillon et pourrait rétablir les connexions et la centralisation. Les membres sont répartis en trois catégories : les observateurs de voies ferrées qui ne se déplacent pas et souvent vivent à proximité de la ligne de chemin de fer, le promeneur qui doit identifier les unités allemandes au repos à l’arrière du front et les courriers.

Dewé met aussi sur pied un système de surveillance de la police allemande. Il sera rapidement informé des enquêtes et il aura même les photos de ceux qu'on lance à leurs trousses. Autre élément crucial: l’argent. Ce sont les Anglais qui prennent en charge les finances.

Au fil des semaines, la Dame Blanche sera à même de répertorier ce qui se passe sur à peu près tous les axes reliant l’Allemagne au front. Il aura un rôle fondamental en fournissant les trois quarts des renseignements venant des territoires occupés, avec seulement trois tués.

En mars 1919, Douglas Haig, Commandant en chef des forces britanniques en France, très heureux de prendre le thé avec les chefs de la Dame Blanche, leur confessera: « J’avais tous les matins devant mes yeux le résumé des données d’observation du corps. Avant même d’ouvrir mon courrier, je parcourais les 150 pages des trois rapports hebdomadaires de la Dame Blanche et je me servais constamment des renseignements qu’ils contenaient pour la conduite des opérations militaires. »

 

Le samedi 31 janvier 1920, le roi d'Angleterre George V décorera les membres de la Dame Blanche. Dewé sera fait Commandeur du British Empire.

Dans les années 30, Dewé, inquiet, se tient informé de la situation internationale et deux jours seulement après avoir appris l’attaque de la Pologne il sonne le rappel de ses anciens comparses et son Corps d’observation est immédiatement remis sur pied. Son nouveau réseau s’appellera désormais Clarence. Le « Special Intelligence Service » est de la partie. Les Anglais fournissent des radios et des centres d’émissions sont créés à Liège, Bruxelles, Namur et Marche.

 

Le 8 mai, le réseau de Dewé tient informés Belges, Français et Britanniques des préparatifs allemands. D’heure en heure, ils communiquent que les Allemands abattent les haies, qu’ils dégagent les routes de tous les obstacles et se dirigent vers les frontières belges et hollandaises. Deux jours plus tôt, Dewé avertissait de ce qui allait se passer le 10 et qui pourtant « surprit » tout le monde.

 

Dewé, pourtant arrivé à l’âge de 62 ans, passe en permanence d’un endroit à un autre, ne dort jamais deux fois à la même place, coordonne les activités de chacun, fait parvenir sans arrêt des rapports à Londres. Rien ne l’empêche de mener à bien la mission qu’il s’est assignée, ni son fils prisonnier en Allemagne, ni, plus tard, la mort de sa femme, ni même la déportation de ses deux filles à Ravensbrück dont une ne reviendra jamais. Plus le temps passe et plus il sent que l’étau se resserre sur lui. Le 13 janvier 1944, on l’informe qu’une des femmes membres de son groupe, déjà active en 14, est sur le point de se faire arrêter. Il se rend chez elle à Bruxelles, c’est la sortie de trop. Les Allemands investissent la maison et arrêtent Dewé.

 

Ce jour-là, il a des papiers au nom de Muraille. On l’emmène dans la rue pour le faire monter dans une voiture. C’est le moment que choisit Dewé pour tenter le tout pour le tout, se dégager et s’enfuir. Mais dans sa course, il se dirige tout droit vers un officier de la Luftwaffe  qui passe par hasard par là et qui l’abat froidement. C’est ainsi que le 14 janvier 1944, un an après la mort de son épouse, une semaine après l’arrestation de ses filles, Walthère Dewé décède sur un trottoir de Bruxelles.

 

Même mort, Dewé se joue encore de l’occupant puisque ceux- ci ne sauront jamais qui était réellement ce "Muraille" et qu’ils venaient d’éliminer un de leurs plus redoutables adversaires !

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