Cléopâtre VII, fille de Ptolémée XII, fut la dernière reine d’Égypte. Héritière de la longue lignée des Lagides, elle épouse successivement ses frères Ptolémée XIII et Ptolémée XIV, avant de tomber sous le charme de Jules César. Ensemble, ils ont un fils, Ptolémée XV, communément appelé Césarion, destiné à succéder à sa mère sur le trône d’Égypte. Le destin de la reine et son fils bascule, en 44 avant Jésus-Christ, lorsque César est assassiné sur le Champ de Mars. À peine le dictateur divinisé, Octave, Lépide et Marc-Antoine se répartissent la gestion des terres. Tandis qu’Octave gère l’Occident, Lépide se charge de l’Afrique. Marc-Antoine, quant à lui, échoue en Orient. Alors qu’il lutte contre les Parthes, il se rend en Égypte pour demander à la reine son soutien financier. Il rencontre alors Cléopâtre, qui retombe amoureuse.
Les tourtereaux, cependant, sont rapidement confrontés à l’ambition démesurée d’Octave, lequel ne souhaite rien de moins que le pouvoir absolu. Son objectif : réduire la République à néant, fonder l’Empire et faire de l’Égypte une province romaine.
Bien vite, Cléopâtre contracte des dettes envers le pouvoir romain. Prise à la gorge, en 33 avant Jésus-Christ, elle prend la plume et écrit à son fils, Césarion, l’informant officiellement de ce qu’elle a décidé d’exempter un riche romain de taxes à l’import et à l’export. Les frais de douane représentaient alors un pourcentage assez élevé de la marchandise, jusqu’à 100 pour cent de sa valeur de base. Elle renonce ainsi à des sommes mirobolantes, dans l’espoir que cela suffise à apaiser la colère d’Octave.
Le papyrus sur lequel est rédigé l’exonération, appelé P.Bingen 45, en hommage au papyrologue Jean Bingen, a été retrouvé dans l’emballage d’une momie, réalisée en « papyrus mâché. Le corps du texte a été écrit par un scribe, mais le dernier mot, ginesthôi, présente en revanche une écriture différente. Cette signature, signifiant “qu’il en soit ainsi”, donne au document toute sa validité.
Longtemps, on a cru qu’il s’agissait d’un document administratif parmi tant d’autres, sans réel intérêt, jusqu’à ce que le professeur Van Minnen s’y intéresse. Il comprend alors que, vu les sommes en jeu, le document a nécessairement dû être signé de la main de la reine elle-même. Ce papyrus n’a de ce fait rien d’ordinaire, puisqu’il constitue le seul véritable autographe de Cléopâtre VII que nous possédons.
Ironie du sort, la reine, sans doute préoccupée par des problèmes d’ordre économique, fait une faute d’orthographe, sans se douter une seconde que, deux mille ans plus tard, elle sera pointée du doigt. En effet, il eut été plus correct d’écrire ginesthô, sans i.
Deux ans plus tard, Marc-Antoine est vaincu par Octave, lors de la bataille d’Actium. Un an après, l’Égypte devient une province romaine, comme en rêvait Octave. Les deux amants, plutôt que d’assister à la déchéance de leur pays, préfèrent se suicider. Quant à Césarion, il est froidement assassiné par Octave, mettant ainsi définitivement fin à la dynastie des Ptolémée.
Elise Vander Goten