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L’eau que buvaient nos ancêtres était terreuse et indigeste

Eau fraîche pour aristocrates

Au Moyen Âge, l'eau, souvent malsaine, était la boisson du peuple. La haute société ne condescendait à en boire que si elle était froide, parce que ce breuvage apparaissait alors comme le produit du travail et de l’ingéniosité, comme une expression du pouvoir, puisque le vulgus ne pouvait que difficilement s’offrir la glace pure destinée à rafraîchir le liquide.

 

Approvisionnement

L’eau potable était un luxe. Dans le premier quart du XVe siècle, Paris ne comptait qu’une vingtaine de fontaines, dont la salubrité n’était pas garantie et devant lesquelles ménagères et servantes faisaient la file. Chartres, Dijon ou Périgueux n’en avaient qu’une intra muros et Lyon six ou sept, un maximum dans une ville de 30 000 habitants. Les puits, isolés ou encastrés dans les murs, creusés dans les cours des maisons patriciennes, dans les cuisines, dans les étuves ou à certains carrefours, parfois bien loin des remparts, étaient plus nombreux, mais leur eau était juste bonne pour arroser les jardins et pour les usages domestiques, car elle était croupissante, terreuse et indigeste. On puisait aussi l’eau dans la Seine, qui pouvait être livrée à domicile par des porteurs d’eau. La pire des boissons, après l’eau des marécages, était celle extraite de la neige fondue, « bourbeuse, pesante, morte, malodorante et engendrant des sangsues ».

 

Fontaine de Kerpert

Propreté corporelle

Au Moyen Âge, les traités de bonnes manières recommandaient de se laver tous les matins les mains, le visage et les dents, c’est-à-dire les parties du corps qui bénissent, manipulent ou avalent la nourriture. Dans le village occitan de Montaillou, aux XIIIe-XIVe siècles, Emmanuel Le Roy Ladurie relève : « ...seuls les parfaits (élite des cathares) se lavaient la figure avec un linge fin ; dans le meilleur des cas, les gens du commun utilisaient une étoffe grossière ; les parties génitales et anales échappaient à la toilette ». Mais les étuves et bains publics ne manquaient pas dans les villes, les moines avaient une hygiène plus scrupuleuse que les laïcs et les demeures des riches étaient parfois dotées de plusieurs salles de bains. Sans être quotidiens, les bains étaient fréquents dans les milieux aisés. Isabeau de Bavière – épouse de Charles VI – s’offrait le luxe d’emporter ses étuves de château en château. L’hospitalité voulait qu’on accueille un chevalier en lui préparant un bain dans le cuvier, par ailleurs destiné à se livrer en famille aux joies de l’épouillage. Recouvert d’un drap, le cuvier devenait un bain à vapeur.

Étuves

Au temps de Louis XI, lors de réjouissances, l’amphitryon faisait chauffer les étuves et préparer des bains pour les invités, pratique qui a d’ailleurs traversé toute l’époque médiévale. Ce roi lui-même, reçu à dîner le 22 septembre 1467 chez le prévôt des marchands à Paris, s’en verra offrir trois, « richement attintelez » (décorés). Le même mois, le premier président du Parlement en prépara trois pour recevoir la reine Charlotte et sa suite de dames, qui ne s’en privèrent pas, y compris Perrette de Châlons, la maîtresse en titre de Louis XI. Dans la suite, le souci de propreté corporel tendit à disparaître. Le bain céda la place à la « toilette sèche », notamment à cause des parfums venus d’Italie au XVIe siècle – à quoi bon se laver quand on sent si bon ? – et des médecins pour qui l’eau amollissait les corps. Le linge propre, comme les parfums, était un privilège des classes aisées. Quant aux guenilles du petit peuple, elles étaient aussi odorantes que le corps qu’elles recouvraient. Les lavandières, ou buereces, lessivaient dans des lavoirs, à domicile ou chez des particuliers, dans un cuvier de bois, ou purgatoire, en s’aidant d’un battoir, le coup de grâce. Elles utilisaient en guise de détergent des substances végétales, minérales ou animales comme de la cendre contenue dans un receveur en pierre, de la terre à foulon, du savon à base de graisse de mouton et d’huile d’olive confectionné par les savonniers. Le travail était rude, car l’eau chaude était rare et les linges généralement raides et lourds, durs à tordre et à rincer à l’eau claire. Le résultat du travail s’appelait le jugement dernier

 

Louise

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