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Elvis Presley : l’idole des idoles

16 août 1977 : des dizaines de millions de jeunes et de moins jeunes, dans tous les pays du monde, éclatent en sanglots et prennent le deuil. Le rock’n’roll vient de perdre son roi.

Le directeur d’un fan-club déclare sous le coup de l’émotion : « J’ai le coeur brisé. Les racines de la musique pop ont été arrachées. Car c’est lui qui a tout commencé... » On ne racontera pas l’histoire du XXe siècle sans mentionner le nom de ce garçon qui bouleversa la chanson populaire et marqua de façon indélébile toute la culture musicale.

Showman incomparable, à la fois glamour, sexy et romantique, il fut, pendant vingt ans, dans le monde entier, le représentant le plus adulé du phénomène rock‘n’roll. Elvis Presley laisse derrière lui un héritage incomparable et restera l’un des grands mythes de sa génération. Sans n’avoir jamais composé lui-même aucune de ses chansons, il eut le génie de réaliser une fusion absolument novatrice de toutes les formes de musiques populaires dont il se nourrissait depuis l’enfance, qu’elles soient d’origine noire, blanche, folklorique, étrangère, religieuse ou laïque. Imprégné de blues et de rythmes afro-américains, son répertoire témoigne de toute cette richesse, puisqu’il aborde, avec un égal bonheur, le rock originel le plus pur (Blue Suede Shoes) et la country en passant par de nombreuses ballades romantiques et sentimentales (Don’t be cruel, Love me tender).

Avant lui, il n’y avait rien !

 

« Avant Elvis, il n’y avait rien ! » Cet aveu dans la bouche d’un autre génie de la chanson, John Lennon, suffit déjà à situer dans le contexte désormais intemporel de la légende du rock’n’roll la place de celui qu’on surnommera très vite « the King ».

Ce prodigieux détonateur de l’idolâtrie collective avouait qu’il n’était jamais parvenu à réaliser vraiment ce qui lui était arrivé ni à s’expliquer les raisons du délire qu’il déchaînait à chacune de ses apparitions. Sa propre popularité lui faisait parfois peur : « Quand je rentre chez moi et que je vois tous ces disques d’or pendus aux murs, je me dis qu’ils doivent appartenir à quelqu’un d’autre… » Écrasé peut-être par le poids de sa propre légende, Elvis est mort à 42 ans, alors que sa gloire était encore intacte. Mais son image ne l’était plus. C’est un Elvis malade, empâté, enlaidi qui s’en allait prématurément, s’arrachant sans crier gare à l’adoration de tous ses admirateurs, frappés de stupeur.

Le chanteur souffrait de tant de maux que les médecins n’ont retenu pour cause de sa mort que la dernière : arrêt cardiaque. Mais cela, c’est l’envers de la légende, l’enfer privé d’une idole. Et ce n’est certes pas l’image d’un Elvis diminué, de cet homme refusant de vieillir et s’acharnant à retarder le temps, que ses innombrables supporters à travers le monde garderont dans leur cœur. Ils préfèreront se souvenir de ce séduisant jeune premier au visage rose, aux pommettes rebondies, aux joues à fossettes, avec des yeux d’un bleu intense, une chevelure sombre dépeignée avec soin, le tout illuminé par le flash d’un merveilleux sourire.

Ils garderont aussi en mémoire cette silhouette féline et bondissante, superbement moulée dans des jeans ultra collants, qui ondulait avec une grâce incroyablement sensuelle, tandis que sa guitare, collée à son flanc ou tenue à bout de bras, devenait sa partenaire érotique.

Génialement vulgaire

 

Avant lui, mis à part quelques rockers de la première heure, les chanteurs ne bougeaient pas sur scène. Il fut le premier à accompagner sa musique de tout son corps. Avec Elvis, la chanson se découvrait un nouveau sex-appeal. Sa façon unique de se déhancher et un jeu de jambes à faire pâlir d’envie le boxeur mythique Ray Sugar Robinson lui avaient valu très tôt le surnom d’« Elvis pelvis ». Certains critiques écrivirent à l’époque qu’ils n’avaient jamais rien vu d’aussi « génialement vulgaire ».

« Je ne le fais pas exprès », s’excusait le jeune Elvis, encore débutant. « Quand je suis sur scène, je ressens la musique et je me laisse aller. Mais je ne ferais jamais rien qui puisse humilier mes parents... » Il interrogeait souvent Gladys, sa mère adorée : « Maman, dis-moi, est-ce que je suis vulgaire quand je chante ? »

Elvis et ses parents

Et celle-ci répondait invariablement : « Mais non, mon fils, tu ne l’es pas, mais si tu continues à te démener comme ça, tu ne vivras jamais jusqu’à 30 ans. »

Elvis, en ce temps-là, se montrait particulièrement soucieux de son apparence et de son image. Il se voulait bon fils, bon citoyen, bon contribuable (il payait spontanément plus d’impôts que le fisc ne lui en réclamait) et s’inquiétait toujours d’être confondu avec ces quelques voyous du showbiz qui lui disputaient la vedette.

Un intraitable mentor : le colonel Parker

 

Rien ne semblait pourtant prédestiner ce jeune garçon, né le 8 janvier 1935 à Tupelo, dans le Mississippi, à une gloire aussi universelle. Sauf peut-être d’avoir reçu sa première guitare en cadeau pour son dixième anniversaire… alors qu’il avait demandé une carabine. Ses balbutiements dans la chanson, il les fera dans la chorale du pasteur de sa paroisse et dans quelques compétitions du genre radio-crochet, où déjà il prenait le meilleur sur ses concurrents.

Les deux premiers disques qu’il enregistre (My happiness en 1953 et That’s all right Mama en 1954), dédiés à sa chère maman, sont d’emblée des coups de maître qui vont cartonner sur les ondes des radios locales. Avec son physique de jeune premier éclatant de santé et un dynamisme à revendre, ses premières apparitions en public déclenchent déjà de fortes turbulences sur son passage. Dès qu’il s’empare d’un micro, les filles tombent en syncope, les garçons entrent en transe.

Avec Tom Parker en 1969

Un redoutable talent-scout ne s’y est pas trompé : dès 1954, le « colonel » Parker devient tout à la fois l’imprésario, le mentor et l’éminence grise de cet ado surdoué, qui voulait simplement rendre hommage à sa mère, en chanson… Elvis lui abandonnera, en même temps que 50 % de ses cachets, une bonne part de sa destinée.

Le rôle occulte de ce pseudo colonel ne sera d’ailleurs pas toujours du goût de l’entourage et des amis du chanteur, qui dénonceront à plusieurs reprises l’influence abusive (jusque dans la vie privée de son protégé) ainsi que les prétentions financières de ce comptable-gourou. Mais l’association des deux hommes, en dépit de certaines orientations de carrière discutables, n’en restera pas moins très lucrative pour chacun d’eux.

Elvis se voit donc presque immédiatement propulsé au pinacle, sans avoir dû beaucoup jouer des coudes. Sa bonne étoile lui trace une ascension rapide et irrésistible. Mais le plus dur n’est pas toujours d’arriver, c’est de se maintenir. Or, Presley aura duré plus de vingt ans, sans jamais quitter les dix premiers rangs du hit-parade américain. Ni Tom Jones, ni Jimi Hendrix, ni même les Beatles n’approcheront ses records de vente. Au cours de sa carrière, c’est lui qui collectionnera le plus grand nombre de disques d’or, de platine ou de multiplatine.

Et ce n’est pas fini. À ce jour, Elvis a vendu plus d’un milliard de disques dans le monde entier, dont plus de 60 millions de titres au cours de ces dernières années, soit près de 40 ans après sa mort. De quoi assurer annuellement à sa veuve et à sa fille quelque 35 millions de dollars de royalties.

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