Le général et dictateur Francisco Franco dirigea l’Espagne d’une main de fer de 1939 jusqu’à sa mort. Grâce au soutien de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, il fut en mesure de se hisser au pouvoir et de renverser le régime démocratique de la Seconde République. De son titre de « El Caudillo » (Le Guide), Franco persécuta ses opposants politiques, réprima la culture et la langue des régions catalanes et basques du pays, et censura la presse tout en exerçant une domination absolue sur tout son territoire. Toutefois, à mesure que la vieillesse s’emparait du dictateur, son emprise se relâcha peu à peu et à sa mort, l’Espagne effectua enfin sa transition vers la démocratie.
Franco : Les premières années
Francisco Franco y Bahamonde est né le 4 décembre 1892 à Ferrol, une petite ville côtière située dans la pointe nord-ouest de la péninsule ibérique. Jusqu’à l’âge de 12 ans, il fut placé dans une école privée que dirigeait des prêtes catholiques. Il intégra ensuite l’École de préparation navale avec l’objectif de suivre les pas de son père et de son grand-père dans la marine de guerre. Toutefois, en 1907, le gouvernement espagnol se voit forcé de faire fermer cette école pour raisons budgétaires. Ainsi, le jeune Franco décide de s’engager dans l’Académie d’infanterie de Tolède où il achève sa formation, 3 ans plus tard en cumulant des résultats médiocres.
Au terme d’une brève affectation à Ferrol, Franco se porte ensuite volontaire pour lutter contre l’insurrection dans les territoires marocains sous domination espagnole. Il y arrive en 1912 en y séjourne jusqu’en 1926. Pendant cette période, il survit à une blessure par balle au ventre, reçoit de nombreuses médailles et promotions avant d’épouser Carmen Polo y Martinez Valdés, avec qui il aura une fille. À 33 ans, Franco devient finalement le plus jeune général d’Europe et se retrouve alors placé à la direction d’une nouvelle école militaire à Saragosse.
Franco et la Seconde République
Entre 1923 et 1930, une dictature militaire soutenue par le roi Alphonse XIII domine le pays. Néanmoins, au mois de mai 1931, des élections municipales sont organisées et le roi se voit destitué au profit de la Seconde République, fraîchement autoproclamée. Les candidats républicains élus introduisent alors des mesures visant à réduire le pouvoir et l’influence de l’armée, de l’Église catholique, des grands propriétaires terriens ainsi que d’autres entités profondément enracinées. Franco, connu pour ses opinions conservatrices, est admonesté en raison de ses critiques ouvertes à l’égard du pouvoir en place et se retrouve muté à un poste insignifiant près de Ferrol. Parallèlement, les républicains lui annoncent la fermeture de son école militaire.
Pourtant, la chance ne quitte pas encore tout à fait le destin de Franco. En effet, il revient dans les bonnes grâces de l’État lorsqu’en 1933, une coalition de centre droit remporte les élections. L’année suivante, il envoie des troupes en provenance du Maroc aux Asturies, dans le nord de l’Espagne, afin de mater une révolution de gauche dans un conflit qui laissera quatre mille morts dans son sillage ainsi que des dizaines de milliers de prisonniers. Pendant ce temps, la violence urbaine, les assassinats politiques et le chaos général s’intensifient autant à droite qu’à gauche. En 1935, Franco est promu au rang de chef d’état-major. À la victoire d’une coalition de gauche l’année suivante, lors du second tour des élections, il commence à planifier un coup d’État avec d’autres généraux.
Franco et la guerre civile espagnole
Relégué à un exil dans les îles Canaries, Franco hésite dans un premier temps à apporter son soutien au soulèvement militaire. Toutefois, il s’implique totalement dans cette cause lorsque José Calvo Sotelo, homme politique aux visions radicalement monarchiste, est assassiné par des militants républicains. Ainsi, le 18 juillet 1936, plusieurs généraux militaires amorcent un soulèvement sur plusieurs fronts qui leur permet de prendre le contrôle de la moitié ouest du pays. Le rôle de Franco consistait à rejoindre le Maroc et à commencer le transfert des troupes de la Phalange vers la péninsule. Parallèlement, il tisse des liens avec l’Allemagne nazie et l’Italie fachiste, obtenant de ce fait des armes et un soutien indéfectible durant ce qui allait se présenter comme la guerre civile espagnole.
En quelques mois, il se hisse à la tête du gouvernement nationaliste et au poste de commandant en chef des forces armées. Grâce au consentement de l’Église catholique, à la fusion des partis fachistes et monarchistes ainsi qu’à la dissolution de toute autre organisation politique, Franco se crée un véritable socle de pouvoir. Dans la foulée, ses hommes en route pour le nord de l’Espagne abattent des centaines, voire des milliers de républicains dans la ville de Badajoz. Par la suite, des dizaines de milliers de prisonniers politiques seront exécutés par les nationalistes au cours du conflit. De son côté, le camp républicain qui souffrait de divisions internes et avait lui-même assassiné son lot d’opposants politiques se rendait compte qu’il ne pouvait endiguer l’avancée nationaliste en dépit de l’intervention de l’Union soviétique et des brigades internationales. D’autre part, les bombardements incessants des avions allemands et italiens facilitent considérablement la conquête des territoires basques et asturiens, en 1937. Deux ans plus tard, c’est le bastion de la résistance républicaine, Barcelone, qui tombe aux mains de l’ennemi, suivie de Madrid en mars de la même année. Ce sont ces deux épisodes successifs qui scellent le sort du conflit.
La vie sous Franco
À la fin de la guerre, la plupart des membres de la Seconde République fuient le pays tandis que ceux qui restent sont jugés par des tribunaux militaires. Des milliers de citoyens espagnols sont ainsi envoyés vers une mort certaine, comme l’admet lui-même Franco en déclarant dans les années 40 que 26000 prisonniers politiques se trouvaient déjà incarcérés à l’époque. Le régime franquiste, s’arrangea, en outre, pour faire du catholicisme la seule et unique religion d’État, pour interdire l’usage du catalan ou du basque en dehors des maisons, pour proscrire l’attribution d’un prénom catalan ou basque à un nouveau-né, pour empêcher toute revendication syndicale, pour promouvoir des politiques d’autarcie et, finalement, pour créer un vaste réseau de police secrète afin d’espionner les citoyens dans leur quotidien.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, Franco décide de maintenir l’Espagne en dehors de tout conflit ouvert, et ce, malgré son soutien envers les puissances de l’Axe. Toutefois, cette posture ne l’empêcha pas de mobiliser 50000 volontaires pour aller se battre aux côtés des Allemands sur le front de l’Est. En outre, Franco ouvre ses ports maritimes aux sous-marins nazis et envahit la ville de Tanger, au Maroc, qui constitue alors une zone internationale affranchie de droits de douane. Au lendemain de la guerre, l’Espagne se retrouve alors plongée dans un isolement diplomatique et économique jusqu’à ce que la guerre froide réchauffe sensiblement l’atmosphère. En effet, en 1953, le pays autorise les États-Unis à construire trois bases aériennes et un port naval sur son territoire en échange d’une aide financière et militaire.
Néanmoins, à mesure que la vieillesse s’empare de Franco, ce dernier se retire peu à peu des enjeux politiques quotidiens pour s’adonner à la chasse et à la pêche. Dans un même temps, les contrôles de police et les censures répétées dans la presse commencent à s’essouffler alors que les grèves et les manifestations, de leur côté, s’intensifient. C’est dans ce contexte que sont introduites des réformes pour libéraliser le marché, que le tourisme se développe et que le Maroc obtient finalement son indépendance. Le 20 novembre 1975, après avoir souffert d’une série de complications cardiaques, Franco décède et laisse derrière lui l’Espagne aux mains de son héritier… le roi Juan Carlos 1er de Bourbon.
Auteur : Maxime Wève