Albert Göring (1895-1966) porte malheureusement le même nom de famille qu’Hermann, chef de la Luftwaffe (les forces aériennes allemandes) et le plus haut membre du NSDAP (parti nazi) à être condamné par le Tribunal de Nuremberg pour crimes de guerre. Rien d’étonnant à cela, puisqu’Hermann était le grand frère d’Albert ! Malgré tout, le cadet, homme d’affaires allemand, est connu pour avoir aidé des Juifs et des dissidents à survivre en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale.
Albert Göring est né à Berlin-Friedenau (quartier de la capitale allemande) de son père Heinrich Ernst Göring, avocat et fonctionnaire, et de sa femme Franziska. La famille Göring vivait avec le Ritter (chevalier) Hermann von Epenstein dans ses châteaux de Veldenstein et Mauterndorf. Heinrich Göring s'absentant régulièrement de sa famille, ce fut von Epenstein qui éleva en grande partie les enfants Göring.
Selon l'écrivain Leonard Mosley qui, effectuant des recherches sur la famille Göring, en interviewe certains membres, von Epenstein aurait commencé une longue liaison avec Franziska environ un an avant la naissance d'Albert. La forte ressemblance physique entre von Epenstein et Albert laisse supposer qu'ils sont père et fils. Si cela est vrai, alors Albert Göring avait un grand-père paternel d'ascendance juive.
Avant l'arrivée des nazis (NSDAP) au pouvoir en 1933, Albert s'engage dans la voie de la cinématographie. Cependant, contrairement à son frère Hermann qui était un membre privilégié du parti, Albert méprise le nazisme et sa violence.
S'exilant à Vienne, il obtient la nationalité autrichienne. Il n'y cache pas ses convictions antinazies : J'ai un frère qui s'est acoquiné avec ce salopard d'Hitler et, s’il continue comme ça, cela finira mal pour lui… Je crache sur Hitler, sur mon frère et sur tout le régime nazi.
Il est rapporté qu'à une occasion, Albert se met à quatre pattes et se joint à un groupe de Juifs qui étaient obligés par des soldats allemands de récurer le sol de la rue. L'officier SS en charge, refusant de voir ainsi humilié le frère du puissant Hermann Göring, ordonne ainsi l’arrêt du nettoyage à la brosse.
À un autre moment, il aide la propriétaire d'un magasin de couleurs à s'enfuir, après qu'on l'eut obligée à se mettre dans sa vitrine avec une pancarte Je suis une sale juive autour du cou. Il s'est également rendu aux camps de Dachau (Allemagne) et Theresienstadt (en République Tchèque actuelle), pour faire libérer des amis juifs, signant de son seul nom de famille.
Albert Göring joue également de son influence pour libérer son patron juif, Oskar Pilzer, après son arrestation par les nazis. Il a alors aidé Pilzer et sa famille à quitter l'Allemagne. Il a agi de même avec d'autres dissidents.
Lorsqu'il est nommé directeur des exportations des usines Škoda en Tchécoslovaquie, il intensifie son activité anti-nazie. Il encourage des actes mineurs de sabotage et établit des contacts avec la résistance tchèque. À plusieurs reprises, Albert contrefait la signature de son frère sur des documents de transit afin de permettre à certains dissidents de fuir le régime. Lorsque qu'il est lui-même arrêté pour ces agissements, il utilise la notoriété de son frère pour être libéré. Albert requiert des travailleurs forcés et organise des détournements de convois de camions dont la destination était des camps de concentration. Ces camions s'arrêtent dans des endroits isolés afin de permettre à leurs occupants de prendre la fuite.
Selon László Kovács, son médecin personnel, Albert Göring aurait affirmé : Je défie Hitler, mon frère et tous les nationaux-socialistes !
Après la guerre, Albert (qui s'est lui-même livré aux Américains le 9 mai 1945) fut interrogé par le tribunal de Nuremberg (les psychiatres de l'armée américaine qui l'interrogèrent diront qu'il était une Personnalité difficile à saisir). Toutefois, un grand nombre des individus qu'il avait aidés au cours de précédentes années vinrent témoigner pour sa défense et il fut relâché. En 1947, Albert fut également arrêté par les Tchèques et à nouveau relâché, une fois que l'étendue et la nature de ses activités sont déterminées (les anciens ouvriers de Skoda révélèrent ses actes de sabotage, dont Ernst Neubach qui évoque des centaines d'hommes et de femmes qui ont échappé à la Gestapo, aux camps de concentration et aux bourreaux grâce à lui).
Une des dernières requêtes d'Hermann Göring avant son suicide par empoisonnement (les deux frères sont tous les deux incarcérés à la prison d'Augsburg) est que son frère s'occupe de ses enfants.
Dans un article publié en 1962, Mon ami Göring, Ernst Neubach, l'un de ses amis juifs, rapporte ses propos et actes de résistances, citant notamment plusieurs témoignages dont ceux d'Oscar Pilzer. À noter qu'Albert Göring n'a laissé aucun écrit expliquant ses motivations de résistance.
Albert Göring retourne en Allemagne après la guerre, mais il est renié et mis à l'écart à cause de son nom. Il trouve des emplois occasionnels d'écrivain et de traducteur, vivant dans un modeste appartement loin des splendeurs de son enfance. Il meurt en 1966 sans voir son activité de résistance publiquement et pleinement reconnue.
En 2013, son dossier a été à l'étude au mémorial de l'Holocauste de Yad Vashem en vue de lui décerner le titre de Juste parmi les nations.