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Henri Landru : L’étrange destinée du « Barbe-Bleue de Gambais »

Henri Landru était courtaud et chauve, il avait une barbe négligée et des sourcils broussailleux. Pourtant, durant la Première Guerre mondiale, environ trois cents femmes le considérèrent comme un partenaire désirable avec lequel elles pourraient partager une vraie histoire d’amour.  Né à Paris, Henri Désiré Landru vint au monde le 12 avril 1869. Sa mère s’occupait du foyer pendant que son père travaillait dans les fourneaux des Forges du Vulcain, une usine sidérurgique de la région. Garçon intelligent sans être exceptionnel, Landru suivit les cours d’une école catholique et, plus tard, étudia l’ingénierie. À l’âge de 18 ans, il s’enrôla dans l’armée, où il se débrouilla bien, là aussi. Quatre ans plus tard, lorsqu’il quitta l’armée, il avait atteint le rang de sergent.  Selon toute apparence, Landru était devenu un jeune homme respectable et fiable, qui attirait peu l’attention. Le peu d’intérêt qu’on lui portait venait du poste de diacre qu’il occupait à l’église, dont il faisait également partie du chœur. Cela ne lui ressembla donc pas lorsqu’en 1891 il séduisit l’une de ses cousines, Marie-Catherine Remi, qui mit au monde plus tard dans la même année une fille. Deux ans passèrent avant que Landru ne fasse ce qu’il fallait et épouse la mère de son enfant.

Perquisition de la villa de Gambais en avril 1919.

Peu de temps après le mariage, Landru entra dans le monde des affaires en tant qu’employé. Alors que sa famille commençait à s’agrandir, il connut un revers assez important lorsque son employeur s’enfuit aux États-Unis avec son argent. Cet escroc semble l’avoir poussé à l’imiter.
Il créa un magasin revendant des meubles de seconde main et commença à jeter son dévolu sur des femmes qui venaient de perdre leur mari. Souvent, les victimes de Landru pénétraient dans son magasin en espérant lui vendre des meubles et augmenter les modestes pensions que leur avaient laissées leurs maris décédés. Landru poussait alors ces femmes à investir ces mêmes pensions, volant leur argent par la même occasion. Ces arnaques passèrent inaperçues pendant un temps, jusqu’à ce qu’il soit arrêté en 1900 pour avoir tenté de retirer des fonds sous un faux nom. Ce fut la première d’une série de sept condamnations.

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Landru passa la majeure partie de la première décennie du XXe siècle en prison. La plus grande condamnation qu’il ait reçue concernait une escroquerie qui commença avec une annonce matrimoniale passée dans un journal de Lille. Se décrivant comme un riche veuf, il avait persuadé une correspondante, une veuve de quarante ans du nom de Jeanne Isoré d’échanger 15 000 francs contre plusieurs contrefaçons d’actes notariés. Lorsque la justice rattrapa Landru, l’argent était parti depuis longtemps et Mme Isoré se retrouva sans le sou.  Le comportement sans foi ni loi de Landru avait eu de lourdes conséquences sur sa famille. Sa mère mourut lorsqu’il était en prison, son père, honteux des actions de son fils, se suicida et sa femme et ses quatre enfants se retrouvèrent sans ressources.

Perquisition de la villa de Gambais en avril 1919.

Au début de l’année 1914, il s’était éloigné de sa femme, même s’il ne chercha pas à divorcer. Durant les événements qui conduisirent à la Première Guerre mondiale, Landru fut relâché de prison, une fois de plus. Après avoir passé ses premiers mois de liberté à errer dans la campagne française, il se retrouva mystérieusement à louer une villa dans la périphérie de Paris. Durant l’un de ses voyages en ville, il rencontra une femme très attirante de trente-neuf ans du nom de Jeanne Cuchet. Cette veuve travaillait dans un magasin de lingerie et avait un fils de seize ans, André.

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Même si Cuchet et celui qui se faisait passer pour Raymond Diard devinrent rapidement amants, le couple traversa au moins une mauvaise passe. Lorsque cela arriva, la famille de cette femme éperdue l’accompagna pour rencontrer le prétendant dans sa villa. Voyant qu’il n’était pas chez lui, le beau-frère de Cuchet entreprit d’enquêter sur ce merveilleux Diard. Il fouilla la villa et tomba sur un coffre contenant des lettres d’autres femmes. La famille en fut outrée, mais pas Cuchet elle-même, qui décida de rompre tout lien avec ses proches et de s’installer avec André dans la villa de Diard.  En janvier 1915, tous les trois déménagèrent dans une villa à Vernouillet, après quoi le fils et sa mère ne furent plus jamais revus. On pense que leurs corps furent incinérés dans leur nouvelle maison. Peu de temps après la disparition des Cuchet, Landru ouvrit un compte en banque et y déposa 5 000 francs, une somme qu’il déclara avoir héritée de son père. Il offrit également une montre en or qui avait jadis appartenu à Jeanne Cuchet à sa femme.

La foule devant l'immeuble pendant une perquisition de la police au domicile de Landru 76 rue Rochechouart à Paris

Une autre dame, Thérèse Laborde-Line, disparut en juillet 1915. Cette veuve argentine fortunée s’était installée avec Landru dans une jolie villa toute neuve peu de temps avant sa disparition. Il y revint plus tard pour récupérer les meubles.  En mai, deux mois plus tôt, Landru avait passé une annonce dans un journal parisien sous le nom de M. Fréymet : « Veuf avec deux enfants, âgé de quarante-trois ans, aux revenus confortables, sérieux et fréquentant la bonne société, désire rencontrer une veuve pour relations durables ».  Presque tout ce qu’il disait dans cette annonce était un mensonge : Landru n’était pas veuf, il avait quatre enfants, il ne disposait d’aucun revenu et il n’avait aucun contact avec ce qui pouvait être décrit comme « la bonne société ». Il avait même menti sur son âge, puisqu’il avait alors quarante-six ans. Cependant, même s’il ne se cherchait pas une compagne, il désirait bel et bien rencontrer une veuve.  Et il en rencontra plus d’une.

Landru descendant les escaliers de son domicile, 76, rue de Rochechouart

Au mois d’août 1915, une veuve de cinquante et un ans, Marie- Angélique Désirée Pelletier disparut. Elle fut rapidement suivie de Mme Héon, Mme Buisson, Mme Collomb, Mme Jaume et Mme Pascal.  Deux victimes sortirent du lot. La première, Andrée Babelay, était une servante de 19 ans qui ne possédait rien. La raison qui poussa Landru à la tuer reste un mystère. Il se peut qu’elle ait d’une manière ou d’une autre découvert son secret.  La seconde, Marie-Thérèse Marchadier, n’était pas veuve. Ceci étant dit, elle disposait bel et bien d’une fortune. En fait, elle était devenue une espèce de célébrité durant la guerre pour avoir diverti les troupes sous le nom de « La Belle Mythèse ». Elle disparut sans laisser de trace vers l’Armistice.  « La Belle Mythèse » avait été la onzième victime de Landru, et pourtant, personne encore ne le soupçonnait.

Le dossier

Ce fut un décès auquel Landru n’était absolument pas lié qui mit fin à ses activités meurtrières. À la fin de l’année 1918, le fils de Mme Buisson décéda. La famille tenta de joindre sa mère, qui se trouvait chez un certain M. Fremiet à Gambais, avec qui on pensait qu’elle s’était enfuie. Le maire de la ville leur apprit qu’il n’y avait aucun M. Fremiet à Gambais. Il suggéra à la famille de contacter celle de Mme Collomb, une autre femme qui avait disparu dans cette ville.  Landru pressentait qu’après toutes ces années, les mailles du filet se resserraient. Il quitta Gambais pour de bon et emménagea avec sa maîtresse de vingt-sept ans à Paris. Les autorités retrouvèrent la villa inoccupée.

Toutefois, la famille de Mme Buisson ne se laissa pas abattre. Pendant des mois, la sœur de Mme Buisson hanta les rues du quartier parisien dans lequel elle avait jadis été présentée au mystérieux M. Fremiet. Le 12 avril 1919, sa détermination fut récompensée lorsqu’elle aperçut le prétendant de sa sœur entrer dans un magasin de porcelaine. Finalement, les autorités réussirent à l’arrêter. Il portait sur lui un petit carnet contenant les noms et les coordonnées de 283 femmes, dont presque la totalité de ceux des veuves disparues.

Le jury

Malgré la découverte de ce carnet, la police ne put accuser Landru de rien de plus que de détournement de fonds. En d’autres termes, il n’y avait pas de corps. Les propriétés des villas de Gambais et de Vernouillet furent fouillées, on retourna la terre des alentours, mais on ne retrouva rien de plus que les squelettes de deux chiens. Landru avoua les avoir tous deux étranglés à la demande de leur maîtresse, Marie-Thérèse Marchadier.

La cuisinière de Landru lors de la vente aux enchères

Un four que Landru avait fait installer peu de temps après s’être installé dans la villa de Gambais fournit les preuves dont la police avait besoin. Personne n’y avait pensé durant toute l’enquête, jusqu’à ce que des voisins se souviennent de la fumée noire et des odeurs nauséabondes qui émanaient de temps en temps de la cheminée de la villa. Les os et les dents retrouvés derrière la porte en fer du four fournirent finalement les preuves nécessaires pour inculper Landru des onze meurtres qu’il avait commis.
Son procès débuta le 7 novembre 1921. Le comportement arrogant et impudent de Landru n’aida pas sa défense. Il n’avoua rien et déclara que le ministère public avait prouvé son innocence en déclarant qu’il était sain d’esprit. Malgré cela, les familles des victimes et les membres du jury fournirent à la cour une pétition demandant qu’il soit gracié. Elle fut ignorée et le 30 novembre 1921, Landru fut condamné à mort.

Le 25 février 1922, il s’agenouilla sous la lame de la guillotine et fut exécuté.  En 1947, un quart de siècle après sa mort, Henri Landru revint à la vie, en inspirant Charlie Chaplin et son Monsieur Verdoux. Verdoux, incarné par ce grand acteur, est un banquier qui, après avoir été renvoyé, fait vivre sa famille en épousant et en assassinant des veuves fortunées.

Foule des curieux devant la prison de Versailles le 25 février 1922 lors de l'exécution de Landru

En 1963, le meurtrier revint à l’écran de manière plus directe dans un film se basant sur ses meurtres et intitulé Landru. Dirigé par Claude Chabrol, le film entraîna des poursuites judiciaires d’une vieille femme nommée Fernande Segret, une maîtresse parisienne chez qui Landru avait fui en 1918. Vexée par son portrait dans le film, elle demanda 200 000 francs de dommages et intérêts. Elle reçut 10 000 francs en 1965. Trois ans plus tard, cette femme de soixante-quatorze ans se suicida d’une manière très théâtrale en se jetant dans les douves du Château de Flers à Orne. Elle laissa une note déclarant : « Je l’aime encore, mais je souffre trop, je vais me donner la mort ».

Tombe de Landru au cimetière de Versailles.

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