Échange de bons procédés
Le 3 octobre 1535, le chef d’Hochelaga – l’agouhanna – implora Cartier par des gestes de le guérir de ses rhumatismes. L’explorateur se limita à lui masser vigoureusement les membres malades. Satisfait du résultat, l’intéressé lui offrit sa coiffe. Puis ce fut un cortège de souffreteux qui défila devant ce thaumaturge qui se limita à les bénir et à leur raconter des passages de l’Evangile.
En décembre de la même année, une épidémie de scorbut sévit chez les Indiens du village avant d’atteindre les équipages français. En janvier, quand la maladie avait déjà tué 25 des siens, Cartier fut étonné de voir un Indien guéri alors qu’il l’avait vu une dizaine de jours plus tôt dans un état désespéré. L’ex-malade lui révéla le remède: piler l’écorce et les feuilles d’un arbre appelé anneda, faire bouillir la mixture dans de l’eau, boire la décoction un jour sur deux et l’appliquer aussi sur les jambes malades. L’arbre est en fait le cèdre blanc dont le liquide obtenu regorge de vitamines C, dont la carence est responsable du scorbut. Les expéditionnaires français qui se risquèrent à utiliser ce remède d’aspect rébarbatif guérirent. De même un malade atteint de «grosse vérole». En décembre1542, les marins de deux bateaux qui venaient de repartir vers la France furent à leur tour victimes de la maladie, dont les symptômes sont ainsi décrits :
«Les uns perdaient leurs forces, les jambes leur devenaient grosses et enflées, les nerfs retirés et noircis comme du charbon, certaines jambes étaient toutes parsemées de gouttes de sang comme de la pourpre ; puis ladite maladie montait aux hanches, cuisses, épaules, bras et cou. La bouche devenait si infecte et pourrie par les gencives que toute la chair en tombait, jusqu’à la racine des dents, lesquelles tombaient presque toutes.»
Cinquante Français moururent, en raison de la médiocrité des rations et de la négligence de Cartier, qui avait négligé de noter et de transmettre la recette curative de l’arbre de vie. En revanche, il eut soin, par curiosité, de faire ouvrir un des cadavres. On constata avec stupéfaction que le cœur était blanc, « flétri, entouré de plus d’un pot d’eau, rousse comme date ». Le poumon était noir et tout le sang paraissait avoir été comme pompé au-dessus du cœur. «Pareillement, il avait la rate près de l’échine un peu entamée, environ deux doigts, comme si elle eut été frottée sur une pierre rude.» Une cuisse fort noire fut incisée, mais sa chair parut plutôt saine.
Poker menteur pour des prunes
Les Indiens étaient férus de jeux de hasard. Au jeu coutumier des noyaux de prunes, on mélangeait une douzaine de noyaux blancs et noirs dans un plat ; puis on les éparpillait sur le sol. Le gagnant était celui qui avait tiré le premier six noyaux blancs. Certains allaient jusqu’à mettre en jeu leurs vêtements, au risque de retourner chez eux en tenue d’Adam.