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Saturnales
Les réjouissances rimaient avec libations, chansons, jeux et histoires, mais s’achevaient souvent en bagarres, voire morts d’hommes. Les fêtes religieuses étaient innombrables. D’autres revêtaient un caractère païen, telles le carnaval et la fête des fous, ou fête des Saints Innocents, qui se célébrait le 28 décembre, dans une liesse débridée. Masques, chansons et ridicule étaient de rigueur. Les diacres revêtaient les habits liturgiques de leurs supérieurs et parodiaient les cérémonies religieuses. Les gens éméchés élisaient un pape, un évêque ou un roi des fous, jouaient des pièces de théâtre sur des chariots déambulant en ville... En mémoire de l’âne qui avait porté la Vierge et Jésus selon la tradition, on amenait dans une église un âne couvert d’habits sacerdotaux, on lui lisait un discours grotesque, puis tout le monde se mettait à braire dans un vacarme épouvantable. Condamnée au concile de Bâle en 1431, la fête des fous ne disparut progressivement qu’à partir XVIe siècle. Au cours du carnaval, des fous étaient aussi intégrés dans les cortèges et on se livrait en outre à des agapes peu recommandables. À Nantes, à la fin du XVe siècle, le prédicateur franciscain Olivier Maillard laissa éclater sa colère :
«Ces misérables chrétiens hébétés d’esprit et de corps qui pendant trois jours se gorgent de nourriture, se vautrent dans la débauche, l’ivresse et autres bestialités, ne croiraient pas faire régulièrement le jeûne du carême s’ils ne s’étaient pas empiffrés jusqu’à la minuit du mardi gras. »
Bien des fêtes religieuses dérapaient aussi en beuveries et excès en tout genre. Au XVe siècle, un prêtre fut poursuivi pour avoir, à la fête de la Saint-Martin (11 novembre), dansé au milieu de la foule coiffé d’un chapeau de fleurs et chaussé de souliers rouges. Épinglons encore la procession du hareng, à Reims, à l’occasion de laquelle tous les chanoines traînaient derrière eux un hareng attaché à une ficelle. Le jeu consistait à marcher sur le hareng de son prédécesseur, tout en évitant que le suivant ne marche sur le sien !
Divertissement douteux
Parmi les nombreux spectacles qui attiraient du monde, il en est un particulièrement choquant à nos yeux, celui des trois aveugles et du cochon, attesté à Paris. Ils déambulaient préalablement dans les rues, précédés d’une bannière à l’effigie d’un porc, puis d’un joueur de bedon. Le lendemain, on les enfermait avec l’animal dans un parc monté dans la cour de l’hôtel des Armagnacs, rue Saint-Honoré. Le but du jeu consistait pour ces non-voyants à tuer la bête avec un bâton en essayant d’échapper eux-mêmes aux coups des autres et à l’agressivité de l’animal... Inutile de préciser que s’ils avaient été véritablement armés, ils se seraient entretués.
Sport équestre et tournois
Durant le haut Moyen Âge, parfois plus tôt, nager, courir, marcher et monter à cheval étaient pour les jeunes hommes, dès l’âge de 14 ans, des activités sportives privées courantes.
À défaut d’étrier, jusqu’au IXe siècle, on sautait à proprement parler à cheval, en prenant son élan, puis en bondissant jambes écartées et mains jointes sur la croupe de la bête, comme actuellement au cheval d’arçons.
Le tournoi était un jeu d’équipe festif et brutal fréquent où s’affrontaient, au XIIe siècle, en présence d’une foule compacte, hommes armés à cheval d’une part et à pied d’autre part. L’organisateur devait faire annoncer chaque épreuve suffisamment tôt à l’avance dans toute la région, prévoir l’hébergement et les distractions diverses pour une durée de trois jours.
La natation
Nager dans les rivières était pratique courante. Les gens nageaient en tenue d’Adam, même les ecclésiastiques, car la pudibonderie n’était pas encore entrée dans les moeurs. Sur les rives de la Seine, en plein Paris, qu’ils fussent gros ou maigrichons, les nageurs se déshabillaient sans vergogne. Certes, on en voyait parfois s’avancer timidement, les mains, un vêtement ou un chapeau devant leurs parties intimes avant de plonger, mais les mieux membrés n’hésitaient pas à se pavaner d’abord...
Patinage
La période de Noël était propice à des distractions de toutes sortes. Parmi elles, le patinage sur les rivières ou étangs gelés, à l’aide de tibias de bœufs fixés aux pieds par des lanières.
Jeux de boules
Le jeu de boules ou billes (qui n’avaient pas nécessairement une différence de taille) était varié et largement pratiqué, surtout à la campagne. Le plus souvent, ils sont désignés par des appellations régionales, ce qui rend leur identification peu aisée. Ceux où on utilisait des boules de bois furent à l’origine du croquet, de la pétanque ou du golf. Ceux qui consistaient à lancer une balle avaient mauvaise réputation parce qu’ils étaient violents et qu’ils se pratiquaient généralement dans les environs des tavernes, lieux de débauche et de délinquance. Ainsi, en 1266, l’archevêque de Rouen sanctionna-t-il un prêtre qui s’amusait, entre autres vices, au jeu de boules. On en jouait généralement le dimanche, sur n’importe quel terrain. À la fin du Moyen Âge, il fut pratiqué sur des bouloires, spécialement aménagés aux confins des agglomérations pour éviter, par exemple – comme attesté en 1398 –, que des joueurs ne s’exercent sur un tas de fumier !
À partir du XIe siècle, la soule ou chole connut une grande popularité. À l’origine, la soule était un ballon en bois ou en cuir, bourré de foin, parfois gonflé d’air. On s’en emparait à grands coups de poing ou de pied, parfois à coups de bâtons recourbés, comme au rugby ou au hockey actuels. La soule au pied est à l’origine du football. Les rencontres étaient violentes. En témoignent des lettres de rémission du XIVe siècle accordant le pardon à des brutes maladroites qui avaient fendu la tête d’un adversaire, la confondant avec la balle ! Aussi Philippe V le Long, en 1319, puis Charles V le Sage, en 1369, interdirent le jeu de soule. Ce dernier monarque prohiba en fait tous les jeux d’exercice et de hasard, recommandant plutôt le tir à l’arc ou à l’arbalète, également répandu. Mais rien n’y fit: tout le monde se mettait au jeu de soule, nobles, clercs, vilains. On en joua même dans une église ! Les parties se déroulaient entre «pays» ou entre habitants d’un même village et, dans ce cas, généralement entre célibataires et gens mariés.
Les bourgeois préféraient le jeu de paume, dénommé ainsi parce qu’à l’origine on lançait avec le creux de la main – nue ou gantée – l’esteuf, plus gros qu’une balle pelote. Ce sport, qui réclamait un sérieux engagement physique et beaucoup d’habileté, est probablement né dans les cloîtres puisqu’il consistait à lancer et faire rebondir l’éteuf sur un mur d’un sanctuaire ou le toit d’un cloître. Les premiers éteufs étaient faits de bourres (amas de poils) ou d’étoupes de laine recouvertes de peau de mouton. Pour obtenir des balles plus véloces, certains paumiers les durcissaient en les garnissant de « chaux, de sablon et autres choses qui ne sont pas bonnes à l’occasion de quoi plusieurs ont eu les bras et mains fêlés ou blessés». En 1292, 13 artisans parisiens au moins gagnaient leur vie à en fabriquer. Mais ce nombre n’a pu que croître car le jeu devint de plus en plus populaire et connut un essor très marqué à la fin du Moyen Âge. En 1427, sur la place Grenier-Saint-Ladre à Paris, une jeune femme – originaire du Hainaut –, jouait «mieux que oncques hommes eût vu, et avec ce jouait devant mains et derrière mains, très puissamment, très malicieusement, très habilement, comme pourrait faire homme, et peu venaient d’hommes à qui elle ne gagnât, si ce n’étaient les puissants joueurs ».
C’est seulement vers 1500 que la paume de la main fut remplacée par une raquette, à l’origine du tennis. Paris compta alors un certain nombre de jeux de paume, généralement dans les plâtrières.
Les statuts de la communauté des paumiers parisiens de 1594 réglementèrent, à l’article 2, la fabrication des trois projectiles différents : balle pelote, esteuf et balle.
Sur les espaces aménagés régulièrement en terrains de sport ou en lices depuis la fin du XIVe siècle, les bourgeois allaient aussi voir des champions lutter, ou de simples artisans s’affronter en joutes pacifiques.
Jeu de quilles, jeu de chanoines
La première mention connue de ce jeu en France date de 1317 et concerne les chanoines du chapitre d’Évreux, qui prétendaient avoir l’habitude de s’en divertir à la mi-carême. Toutefois, on ne faisait pas tomber les quilles avec une boule, mais avec un bâton lancé de loin. Ce seulement à la fin du Moyen Âge que ce jeu se répandit et que des espaces destinés à sa pratique furent aménagés.
Escalade des façades
Au Moyen Âge, les pierres et les briques des façades n’étaient pas rejointoyées. Dès lors, l’escalade des murs extérieurs des maisons était un sport courant.
La quintaine
La quintaine était le buste d’un mannequin monté sur pivot, armé de la main droite d’une épée ou d’un bâton, d’un bouclier de l’autre. En tournant, l’une ou l’autre revenait sur le dos du cavalier maladroit qui n’avait pas réussi à le toucher au milieu de la poitrine avec sa lance. Cette joute, appréciée des nobles, était aussi une épreuve imposée traditionnellement aux jeunes mariés d’Ancenis (Loire-Atlantique). L’épreuve s’exécutait sur la Loire, sur des bateaux de nautoniers, dans des conditions que rapporte ce témoignage :
«Après que chaque nouveau marié de ladicte qualité a couru et rompu sa lance, il doit saillir dans l’eau et est quitte de tout devoir d’avoisine (taxe) pourvu que sa femme présente au seigneur, baron d’Ancenis, un bouquet de fleurs avec un baiser, s’il le désire, son mari étant saoul d’eau. »
Jouer à mort
Un soir de décembre en 1388, des élèves jouaient aux dés dans une taverne de l’Orléanais. Survint leur maître d’école, qui manifesta le souhait de participer, mais se heurta à un refus catégorique. En représailles, il confisqua l’argent des mises pour payer la chandelle. En conséquence, il fut assassiné...
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