Aujourd’hui, le jargon médical n’évoque que très peu le gigantisme humain. Ce terme n’est pas clairement défini et il n’existe pas de taille minimale pour être qualifié de géant. Nos ancêtres du XIXe siècle n’étaient pas plus précis, mais ils n’en avaient pas besoin dans le cas de Julius Koch, également appelé le géant Constantin.
Julius Koch nait en Allemagne en 1873 de parents suisses. Très vite, sa famille s’aperçoit des dimensions hors normes de leur proche. 1M80 à 10 ans, plus de deux mètres à peine trois ans plus tard… difficile de ne pas le remarquer. Venant d’un milieu très modeste, Julius est acheté par un promoteur véreux qui voit en lui une bête de foire capable d’attirer les foules. À peine sorti de l’adolescence, le voilà donc parti sur les routes européennes pour s’exhiber. Il fait des passages remarqués en Allemagne, en Espagne et remonte même jusqu’à Londres. Partout où il se produit, on souhaite voir cet homme qui, paraît-il, est exceptionnellement grand.
Peu sont déçus. En effet, le géant mesure entre 2 min 50 s et 2 min 58 s (les sources ne s’accordent pas sur une taille précise), ce qui lui permet de figurer dans la liste des quinze personnes les plus grandes de l’histoire de l’humanité ! Mais cette taille démesurée ne sera qu’un fardeau tout au long de la vie de Julius. Tout d’abord, et même si elle lui a permis de trouver un travail, celui-ci est mal payé et l’éloigne constamment de sa famille. Ensuite, son corps est de plus en plus fatigué et menace de le lâcher à n’importe quel moment. En témoigne sa chute réalisée à Mons, en Belgique, en 1901.
Le géant Constantin est donc de passage dans le plat pays en ce tout début de XXe siècle. Son producteur le fait s’exhiber dans un café de la rue de Nimy, à deux pas de la Grand-Place. C’est dans ce bistrot qu’il trébuche sur une marche et tombe à la renverse. Il se fait soigner par plusieurs médecins, curieux de voir un tel spécimen arriver dans leurs locaux. Malheureusement pour Julius, une gangrène se développe et il est contraint de se faire amputer une partie de la jambe droite. C’est le début de la fin pour lui : il est abandonné par son « protecteur », apeuré par les frais des traitements. Il décède dans cette même ville, sans un sou et isolé, en 1902.
Ses malheurs se poursuivent après sa mort. Son corps n’est pas rendu à sa famille puisque l’un de ses médecins garde illégalement la dépouille chez lui. Pendant des décennies, ses restes seront oubliés et personne n’entendra plus parler du géant. Ils seront retrouvés par hasard dans un placard… et immédiatement analysés, car on croit alors à une farce. L’histoire d’un homme aux dimensions démesurées refait surface et son squelette est exposé dans un musée.
Aujourd’hui, c’est au Muséum régional des sciences naturelles, dans un cercueil de verre, que les curieux peuvent rendre visite au géant. Il constitue l’une des pièces maîtresses du musée gratuit qui attire près de 10 000 visiteurs par an.
En 2015, année où Mons était la capitale européenne de la culture, un collectif de citoyens a décidé de rendre hommage à Julius : en mars, une messe a été organisée en l’honneur de celui qui n’a jamais reçu de funérailles. Une réception s’en est suivie, respectant les traditions du XIXe siècle : un buffet de viande froide a été servi aux personnes venues témoigner leur sympathie.
Cette cérémonie, qui s’est tenue plus d’un siècle après la mort du principal intéressé, a eu lieu avec l’accord de la famille Koch. En effet, quatre petits-neveux de Julius ont pu être identifiés. Aucun n’y a assisté, mais ils sont venus en août de la même année pour rendre hommage à leur ancêtre. L’un d’eux n’est autre que Kurt Koch, cardinal de Lucerne et conseiller du pape François Ier. Comme quoi, dans cette famille, les destins sont souvent exceptionnels.
Auteur : Arnaud Pitout