Inconnu, ou presque, à la fin des années 40, le secteur du tourisme a connu un essor qui a fait de lui un des acteurs majeurs de l’économie mondiale. Certains pays sont largement tributaires de lui pour un pourcentage important de leur produit intérieur brut. Le concept de tourisme de masse est récent, et le nom de son inventeur en surprendra plus d’un.
L’image d’Hitler revêtu d’un paréo de Gentil Organisateur en train de juger un concours de genoux cagneux à Trifouillis-les-Oies ne saute pas immédiatement aux yeux.
C’est pourtant le Führer en personne qui inventa le concept de la croisière de masse, celui des forfaits et celui des installations spécialement construites pour offrir des vacances à bon marché à ses travailleurs, ses soldats et à leur famille.
Cette improbable histoire commence avec la création de l’institution qu’il avait imaginée : Kraft durch Freude : la Force par la Joie.
Dans les années 30, Kraft durch Freude est, et de très loin, le plus grand opérateur touristique du monde.
Mais avec Hitler et sa bande de sociopathes aux commandes, il y avait évidemment un agenda caché derrière cette joyeuse initiative.
L’idée était d’imposer un décervelage uniformisé à tout un peuple. Les Allemands travailleraient tous en uniforme dans des usines et des bureaux semblables, conduiraient tous la même voiture, et prendraient leurs vacances dans un environnement hautement sécurisé sur mer, au pays ou à l’étranger, toujours sous l’oeil vigilant de Big Brürhrer.
L’homme qui avait la haute main sur le programme KdF était un individu glauque nommé Robert Ley. Il n’était pas seulement arrogant, incompétent et complètement saoul la moitié du temps, il était également sujet à des sautes d’humeur et à des explosions de violence consécutives à des dommages cérébraux, des séquelles de blessures reçues en France en 1917.
Pareil profil aurait amené n’importe quel employeur sensé à refuser de l’engager, mais il était parfaitement à sa place dans le système nazi.
C’est Ley qui porta sur les fonts baptismaux la partie vacances du programme KdF d’Hitler, en achetant ou en faisant construire des immeubles, réservés dans un premier temps aux nazis bon teint, dans des pays sympathisants comme l’Italie, l’Espagne et certains pays nordiques. Tout le personnel, de la cave au grenier, était sous la coupe de sbires de la Gestapo, chargés de recueillir d’éventuels commentaires, peu amènes pour le régime, qui auraient été proférés par des vacanciers ayant abusé de la bière et du schnaps.
Cet engouement pour le tourisme servait également de couverture à des bandes de jeunes Aryens blonds et athlétiques, que l’on retrouvait campant souvent aux alentours de sites militaires dans les pays limitrophes, et c’est également par la voie touristique que furent acheminés les renforts militaires envoyés participer à la guerre civile d’Espagne, comme en témoignent les mémoires d’Adolphe Galland, devenu plus tard le patron de la chasse allemande. Galland a participé à la guerre civile d’Espagne et il est parti sous le couvert d’une organisation touristique.
Ley mit également en chantier la première ligne de bateaux de croisière. Les passagers utilisaient depuis longtemps les grands steamers pour se rendre d’un port à un autre, mais personne n’avait jamais pensé à utiliser ces paquebots comme points de rendez-vous où chacun revenait à son point de départ, après un périple sur mer et l’un ou l’autre séjour à terre.
Entre 1936 et 1938, la ligne KdF transporta plus de cinq millions d’Allemands, et parmi eux la jeune Eva Braun, maîtresse et très éphémère épouse d’Hitler. Les films qu’elle prit de sa croisière existent toujours dans les archives.
Cet extraordinaire succès fut copié après la guerre par de nombreuses compagnies maritimes, et quelques consternantes séries télévisées s’étendent encore sur ces croisières où l’on est censé s’amuser.
La principale préoccupation des responsables de la ligne était de s’assurer qu’ils disposaient d’auditeurs forcés pendant la croisière. Les bâtiments étaient équipés de la proue à la poupe de haut-parleurs diffusant en permanence de la musique wagnérienne, entrecoupée de discours de Hitler et de morceaux choisis de propagande.
Même les dos des menus et brochures portaient des messages politiques, telles les nouvelles dispositions des lois raciales de Nuremberg, rappelant aux passagers d’éviter tout rapport sexuel avec les éléments de races inférieures qu’ils pouvaient être amenés à rencontrer lors des escales de la croisière.
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