En avril 1938, un jeune chimiste de 27 ans, Roy Plunkett, travaille dans un laboratoire de la société E.I du Pont de Nemours. Il s’occupe alors de la mise au point d’un nouveau réfrigérant, et met à refroidir du tétrafluoroéthylène dans de la neige carbonique.
Comme pour le caoutchouc de Charles Goodyear, un phénomène de polymérisation se produit. Le résultat est une poudre blanche, dont l’analyse va révéler de surprenantes propriétés. Elle n’est soluble dans quasiment aucun produit connu, reste stable jusqu’à une température de 327 ° et surtout, elle révèle d’extraordinaires qualités antiadhésives. Le polytétrafluoroéthylène est né. Il donnera naissance à la marque Téflon. Les remarquables qualités du nouveau composé le font choisir par l’armée américaine pendant la Deuxième Guerre mondiale, alors occupée à la fabrication d’une arme nouvelle, la bombe atomique. En effet, le PTFE est le seul produit capable de résister aux acides extrêmement corrosifs employés dans le traitement de l’U235 et il va servir à la fabrication de joints d’étanchéité. Il résiste à l’acide fluoroantimonique, le plus fort connu actuellement, capable de dissoudre le verre. Qui dit armée dit secret. Qui dit Projet Manhattan dit ultra-ultra-secret. Le PTFE restera dans le domaine militaire jusqu’à la fin de la guerre. Les quantités fournies prennent directement le chemin d’un coffre-fort de banque. Les débuts « civils » du Téflon commencent avec la fabrication d’ustensiles de cuisine, avec une première poêle à frire en 1951. Là, c’était facile. Du Pont lança ensuite ses chercheurs sur d’autres applications du Téflon.
Compte tenu de ses propriétés de résistance aux agents chimiques, on l’utilisa pour recouvrir l’intérieur de récipients contenant des produits chimiques, les super acides par exemple. En plomberie, il va avantageusement remplacer l’ancienne filasse pour assurer l’étanchéité des raccords. Le Téflon est également utilisé dans la fabrication de matériel de laboratoire. L’industrie automobile s’est également intéressée à son faible coefficient de friction pour l’incorporer dans toutes les parties d’une voiture qui nécessite des lubrifiants limitant l’usure des pièces mécaniques. La lubrification au Téflon est 50 fois plus efficace que celle d’une traditionnelle. Avant son utilisation, les entretiens d’un véhicule se faisaient tous les 5000 km. Aujourd’hui, on passe au garage tous les 30 000 km et plus. Le PTFE est aujourd’hui utilisé dans l’aviation, l’espace, l’électronique, la médecine, etc.
Un chimiste de Du Pont de Nemours, Bill Gore, a l’idée d’utiliser le Téflon dans la fabrication de vêtements. La société ne marquant pas d’intérêt pour cette nouvelle application, il se décide à se lancer seul dans l’aventure. Avec son fils Bob, ils commencent l’expérimentation de l’étirement du Téflon, dans le but de fabriquer des tissus imperméables. Les recherches sont longues et difficiles, jusqu’à ce que dans un accès de colère, il étire violemment une feuille de Téflon chaud. Le résultat se révéla surprenant. Le Gore-Tex était né, un textile parfaitement imperméable, puisque fait d’un tissu qui comporte cent quarante milliards de nanopores au décimètre carré d’un diamètre de 0,2 micromètre. Une goutte d’eau étant 20 000 fois plus grande qu’un de ces trous minuscules, le tissu est parfaitement imperméable, ce qui ne constituerait pas une avancée majeure dans le domaine de la protection, si ce n’est que la transpiration étant un gaz et que le gaz est constitué de molécules fortement distantes les unes des autres, cette transpiration passe sans problème en sens inverse. Depuis, les équipements sportifs font largement appel au Gore-Tex depuis les années 80. Gore & Associates est l’une des 200 plus grandes sociétés américaines dont le capital soit largement resté familial. Elle détient plus de 2 000 brevets dans un large éventail de domaines, allant de l’électronique au médical. En 2014, le magazine Fortune plaçait Gore pour la dix-septième fois d’affilée dans sa liste annuelle des cent meilleures compagnies pour y travailler.