Trente ans se sont écoulés depuis la chute du mur de Berlin, érigé le dans la nuit du 12 au 13 août 1961 pour séparer l’Est et l’Ouest de la ville. Trente ans pendant lesquels seuls quelques points de passage ultra surveillés permettaient l’accès d’un côté à l’autre. Pourtant, certains n’ont pas attendu ce fameux 9 novembre 1989 pour se faire la malle et ont ainsi rivalisé d’ingéniosité, comme le rappelle le Mauer Museum, situé non loin du fameux Checkpoint Charlie.
Digne de Copperfield
Un Français, côté Ouest du mur et fou amoureux d’une Allemande qui se trouvait à l’Est, a ainsi fait un tour de passe-passe qui n’a rien à envier à ceux des plus grands illusionnistes. Il aurait pu se contenter de trouver une valise XXL et de laisser sa belle se contorsionner à l’intérieur, en priant pour que l’objet n’attire pas l’attention. Il a pourtant choisi de glisser la jeune femme dans deux valises… préalablement découpées sur les côtés. Posées l’une contre l’autre dans le compartiment à bagages du train, les soldats n’y ont vu que du feu. Obligée de plier les jambes et les bras serrés le long du corps, la jeune allemande n’était pas au comble du confort. Toutefois, la supercherie a fonctionné et les deux tourteaux ont fait un beau pied-de-nez aux autorités.
Un coffre, mais pour quoi faire ?
D’autres ont vu les choses en grand. C’est notamment le cas de Kurt Wordel qui a fait passer pas moins de 55 personnes à l’Ouest, entre 1964 et 1966, en utilisant le coffre avant (l’arrière étant systématiquement fouillé) de trois voitures Volkswagen 1 200, spécialement aménagées pour l’occasion. Bien que particulièrement surveillées, les voitures restaient le meilleur moyen de passer d’un côté à l’autre du mur. Et lorsque l’ingéniosité d’un Suisse rencontre une vieille voiture anglaise, cela fait des étincelles. Pour les beaux yeux d’une femme, une fois encore… L’homme a remplacé le gros réservoir d’essence par un petit de seulement quelques litres, et ce pour libérer de l’espace. Sa petite amie a donc pu se glisser à la place de l’ancien réservoir, sans doute importunée par l’odeur, mais qu’importe. En effet, il faut savoir mettre à profit chaque recoin du véhicule. Un Américain l’a également bien compris puisqu’il a aménagé sa Cadillac d’une drôle de façon, utilisant l’espace entre le tableau de bord et le moteur pour y cacher des fuyards. Dix personnes ont ainsi pu en profiter.
L’habit ne fait pas le moine
Il ne faut décidément pas se fier aux apparences. Des officiers allemands se sont bel et bien fait confectionner les mêmes uniformes que les soldats russes. Une couturière de Berlin Est a reproduit à l’identique les vestes et pantalons des officiers soviétiques, sans que personne ne se doute de rien. Les sentinelles à l’est chargées de garder le passage se sont contentées de les saluer, et n’ont pas jugé nécessaire de vérifier leurs papiers, tant la ressemblance était troublante… Et le tour était joué. Ils ont dû avoir chaud, très chaud.
Manège à sensation
1965, côté Est. Un père de famille décide de tenter le tout pour le tout et de traverser la frontière qui sépare la capitale allemande avec femme et enfant. Les trois membres de la famille se laissent volontairement enfermer dans un bâtiment administratif, à quelques pas du mur. Tout est prévu pour l’évasion, avec la complicité de quelques amis de l’autre côté. Lorsque la nuit tombe enfin sur la ville, c’est le moment. L’homme lance alors un marteau, entouré de chiffons et accroché au bout d’une corde, de l’autre côté du mur, en espérant qu’il arrivera jusqu’aux complices. Fort heureusement, ces derniers répondent présents et s’empressent d’accrocher un filin qui retourne vers la petite famille. À l’aide d’un harnais, tous les trois parviennent à s’échapper. Sensations fortes garanties.
Et pendant ce temps-là…
Entre 1961 et 1989, il a pu se passer bien des choses. Surtout lorsque l’on connaît la vitesse de procréation des lapins. Le rapport ? Il n’y avait pas un, mais deux murs de Berlin. Et entre les deux, un gigantesque No Man’s Land, bien évidemment interdit d’accès. La nature y a donc tout naturellement repris ses droits, et c’est en toute liberté que les lapins ont colonisé la zone. À l’abri des prédateurs et de toute intervention humaine, ces animaux s’en sont donné à cœur joie. Lorsque le mur est détruit, les pauvres bêtes sont déboussolées. Estimés à plusieurs milliers, les lapins n’ont d’autre choix que de se disperser dans la ville, causant des dégâts considérables. Ils sont bien les seuls à regretter le mur.
Sur les vestiges du mur
Mauerpark, traduit littéralement par « le parc du mur », est aujourd’hui un lieu incontournable de la capitale allemande. Le Mur n’étant plus, pourquoi est-il affublé d’un tel nom ? Eh bien une portion du Mur passait autrefois en plein milieu du parc. L’endroit est aujourd’hui, ironie de l’Histoire, un lieu de rassemblement. Chaque dimanche, un gigantesque marché aux puces y est organisé et l’endroit attire les foules. Musiciens, chanteurs, clowns et autres graffeurs débarquent des quatre coins de la ville pour y mettre l’ambiance. Mais ils se font inévitablement voler la vedette par Joe Hatchiban. Si le cœur (ou le climat) lui en dit, il se saisit de son Bearpit Karaoke et fait le show. Les plus téméraires chanteront à leur tour, et tant pis pour les centaines de personnes qui les scrutent. Et tant mieux pour le Mur qui n’est plus.
Auteur : Victoria Sanchez