Les relations n’étaient pas toujours au beau fixe entre le roi et son frère Philippe, duc d’Orléans (1640-1701) – appelé « Monsieur » – parce que le monarque voyait en lui un possible « détrôneur ». Philippe arrivait le plus souvent à contenir ses colères en présence de son frère, mais pas toujours, comme l’illustre cette querelle. Pendant le carême 1651, l’envie prit à Monsieur (11 ans) de lui arracher un plat de bouillie. S’ensuivit une dispute lors de laquelle les frères se jetèrent, sur fond d’insultes, des assiettes et de la nourriture à la figure.
Louis XIV - Philippe, duc d’Orléans
L’année suivante, alors que la famille royale était à Corbeil (Essones), le jeune Louis XIV – raconte Laporte – « voulut que Monsieur couchât dans sa chambre, qui était si petite qu’il n’y avait que le passage d’une personne. Le matin, lorsqu’ils furent éveillés, le Roi, sans y penser, cracha sur le lit de Monsieur, qui cracha aussitôt tout exprès sur le lit du Roi, qui, un peu en colère, lui cracha au nez. Monsieur sauta sur le lit du Roi et pissa dessus ; le Roi en fit autant sur le lit de Monsieur. Comme ils n’avaient plus de quoi cracher ni pisser, ils se mirent à tirer les draps l’un de l’autre dans la place ; et peu après, ils se prirent pour se battre. Pendant ce démêlé, je faisais ce que je pouvais pour arrêter le Roi ; mais n’en pouvant venir à bout, je fis avertir M. de Villeroy, qui vint mettre le holà. Monsieur s’était plus tôt fâché que le Roi, mais le Roi fut bien plus difficile à apaiser que Monsieur »[1].
Monsieur (à gauche) face à son frère Louis XIV (à droite), au milieu de la famille royale.
Humilié par son frère
Quant Louis XIV eut son premier fils, le 1er novembre 1661, Philippe cessa d’être l’héritier direct du trône. Le roi ne prit donc plus la peine de ménager respectueusement son frère. Au lever, Monsieur devait souvent se plier à présenter la chemise au monarque. Lorsque celui-ci dînait, seul, à sa petite table, le couvre-chef sur la tête, son frère avait le privilège de pouvoir assister à son repas, debout à ses côtés, chapeau bas, jusqu’à ce que le roi condescende à laisser tomber un « Asseyez vous donc, mon frère ». Il s’installait alors sur une chaise sans accoudoirs, ceux-ci étant réservés au roi. Celui-ci ne manqua pas de l’humilier à d’autres occasions. Lors d’un bal à Versailles, alors que Monsieur dansait comme un endiablé, il se prit les talons dans les jupes de sa partenaire et s’étala. Une petite fille se mit à rire et Monsieur la gifla. « Qu’on le fouette », insista à plusieurs reprises le roi en colère, outré de voir son cadet agresser une enfant.
[1] ERLANGER P., Monsieur frère de Louis XIV, Perrin, 1981, p. 127. - GOUBERT P., L’avènement du Roi Soleil, Hachette, 1996, p. 63. - MARCHAND P., La France d’Henri IV et de Louis XIII, Larousse / Gallimard, 1992, p. 880.