En 1725, il épousa Marie Leszcynska, fille du roi de Pologne détrôné. Sous le ministère du cardinal Fleury (1726-1743), à qui il accorda toute sa confiance, il engagea la France dans la guerre de Succession de Pologne (1733-1738), puis dans celle de Succession d’Autriche (1740-1748), clôturée par la paix d’Aix-la-Chapelle. A la mort de Fleury commença le règne personnel du roi, sous l’influence de ses maîtresses qui, en fait, s’impliquèrent bien plus que lui dans la politique. Après Louis XIV, ses deux successeurs subirent avec lassitude le rituel monarchique dans un Versailles qui perdit de sa théâtralité pour devenir un lieu secret où triompha le pouvoir des femmes. Parmi les ministres qui se succédèrent, un seul nom s’impose : Choiseul. A la fin de son règne, le Bien-Aimé fut honni de son peuple en raison de son insouciance, de ses guerres coûteuses, de l’influence néfaste de ses favorites et de sa cour tout aussi dépensière et frivole. Bref, un règne plutôt incohérent et médiocre, surtout en regard du règne grandiose de son prédécesseur.
Pour esprits mal tournés
Le 10 mars 1724, Louis XV s’amusait dans sa chambre à Versailles avec une fille jeune et mignonne. Les valets, à qui parvenaient dans la pièce voisine le bruit de leurs ébats, avaient le sourire aux lèvres. Soudain, ils entendirent un grand craquement suivi d’un cri. Un domestique en conclut que louis l’avait écrasée. Un autre, plus curieux, regarda par le trou de la serrure et déclara : « Non, maintenant il sait les prendre ! ». Les deux espiègles se divertissaient en fait à attraper des mouches… Rien d’anormal puisque Louis n’avait encore que 14 ans et sa partenaire, la petite Marie-Anne Victoire, infante d'Espagne, 6 tout juste. Fiancés depuis près d’un an, ces futurs époux s’entendaient comme frère et sœur[i].
Concert de louanges malfaisantes
Son éducation d’enfant gâté, entouré de courtisans flatteurs, avait contribué à lui donner un caractère égoïste. L’anecdote suivante, rapportée par Saint-Simon, est à ce propos significative. Lors d’une fête de la Saint-Louis, le maréchal de Villeroi persuada avec peine l’enfant de paraître à un balcon des Tuileries pour se montrer à la foule massée sur la place du Carrousel. Elle criait à tout rompre « Vive le Roi ! » et le maréchal disait : « Voyez, mon maître, voyez tout ce peuple, cette affluence, ce nombre de peuple immense, tout cela est vous, et vous en êtes le maître ». Il lui rappela sans cesse cette leçon « pour la lui bien inculquer ».
Remède pour roi péteux
Louis XV enfant était de santé si fragile que l’on osait à peine l’approcher, de peur d’arrêter sa respiration. Un jour que l’enfant-roi se plaignait de maux de ventre, la Grosse Madame lui remit un billet sur lequel elle avait rédigé un remède contre la colique des vents, en présence de Maréchal. Ce chirurgien du roi lui rappela que seul le premier médecin du roi avait pouvoir de les prescrire. Embarrassé, le jeune monarque ouvrit pourtant le billet et s’esclaffa. En voici le contenu, qu’il fit lire à haute voix :
« Vous qui dans le mésentère
Avez des vents impétueux,
Ils sont dangereux
Et pour vous en défaire
Pétez :
Pétez, vous ne sauriez mieux faire
Pétez
Trop heureux de vous défaire d’eux[ii] ».
Enfant espiègle
Le dauphin prenait un plaisir fou à jouer des farces à son entourage, comme couper les cravates, arracher les perruques et les cannes, lancer du fromage mou à la tête d’un abbé ou raser les sourcils de ses écuyers. Parfois, elles étaient moins drôles, par exemple donner des soufflets à son valet Bontemps ou tirer des flèches dans la bedaine du Grand Prévôt de Souches, qui pensa en mourir, ce qui fit beaucoup rire le futur souverain. Il avait en effet une propension à se réjouir du malheur d’autrui. Il aurait dû l’avoir moins lorsque, à l’âge de 7 ans, une de ses pirouettes au lit l’envoya au sol. Mais la chute était sans gravité, et, pour effrayer son nouveau maître, le maréchal de Villeroi, il resta étendu et immobile. C’est seulement quand les témoins, affolés, décidèrent d’appeler les chirurgiens que l’enfant se releva, hilare. Pour éviter un nouvel accident, on enveloppa son lit d’un filet.
Chasseurs de puces
Une nuit, alors qu’il avait 12 ans, une puce l’empêcha de dormir. Fleury lui dit qu’il pouvait infliger une punition à la sale bête puisqu’il avait atteint sa majorité. Le jeune monarque choisit de la pendre. Ensuite, il ordonna aux gardes du corps de pourchasser toutes les puces de sa chambre…
Pédophilie
Enfant, le dauphin préférait la compagnie des hommes à celle des femmes, tendance encouragée par de jeunes seigneurs de la cour. C’est ainsi qu’il se livrait à des débauches dans sa garde robe, notamment avec le duc d’Epernon, le duc de Gesvres, M. d’Alincourt – petit-fils de Villeroi – et du comte de Ligny – fils de Luxembourg – tous âgés d’une vingtaine d’années.
Belle leçon
Un jour, l’enfant demanda au nonce de lui réciter la liste complète des papes, ce dont le prélat s’avoua bien incapable. Triomphalement, le petit lui récita, dans l’ordre chronologique, la liste exacte de tous les rois de France.
Coup de pouce ecclésiastique à la débauche
En 1733, se doutant que le roi n’allait plus tarder à prendre une maîtresse, Fleury décida de choisir pour lui Louise Julie de Mailly-Nesle – dame du palais de la reine, épouse du comte de Mailly – en raison de son absence totale d’ambition, de manière à éviter au souverain de tomber sur une intrigante. Le 24 janvier, celui-ci la trouva vautrée sensuellement sur un canapé, au petit château de la Muette, à Neuilly. Ce timide se contenta de la saluer à distance, avant de se sauver à toutes jambes. Lors d’une deuxième tentative, elle sauta littéralement sur lui, déployant tous les moyens d’une experte. Le roi ne s’était pas rebiffé, mais restait comme paralysé dans son fauteuil. Alors son valet Bachelier, chargé par Fleury de mener l’entreprise à bien, sortit de la cachette d’où il guettait la scène. Il se rua sur le roi, le saisit et le déposa sur le corps de la duchesse. Aussitôt, raconte Bois-Jourdain, « le jeune homme se livra à des emportements amoureux d'autant plus violents qu’ils avaient été longtemps contraints ». Au bout d'un quart d'heure, la jeune femme sortit du salon, les vêtements en désordre, les cheveux ébouriffés, et dit avec ironie : « Voyez comme ce paillard m'a accommodée ! ».
Le cardinal pouvait se réjouir. Louise Julie devint la maîtresse du roi, puis sa favorite officielle en 1736. Après elle, remonté, le roi se « tapa » successivement ses trois sœurs… Depuis lors, le monarque fit tellement de conquêtes qu’aujourd’hui encore on ignore s’il a eu huit ou dix enfants.
[i] GAXOTTE P., Le siècle de Louis XV, Fayard, 1974, pp. 84, 86, 339. - KUNSTLER C., La vie quotidienne sous Louis XV, Hachette, 1967, Coll. « La vie quotidienne », p. 32 (cabinet noir).
[ii] BRETON G., ibidem, p. 877.