Nous connaissons tous l’histoire de Lucy, ce squelette d’Australopithèque découvert en 1974, et qui resta pendant de nombreuses années le plus ancien fossile préhumain à avoir été découvert. Ainsi, aujourd’hui encore, Lucy est considérée comme l’ancêtre de l’espèce humaine.
Mais qu’en est-il en réalité ? La paléontologie étant une science qui évolue à chaque découverte, de nouveaux éléments nous permettent-ils de confirmer la place attribuée à Lucy ? Et si ce n’est pas le cas, où doit-on placer les Australopithèques sur l’échelle humaine ?
La première chose à prendre en compte, c’est que l’évolution « linéaire », telle qu’elle a été enseignée dans les écoles jusqu’aux années 1980, est erronée. Ainsi, l’idée reçue selon laquelle les êtres préhumains se seraient succédés en ligne droite (c’est-à-dire Australopithèque, Homo habilis, Homo erectus, Homo neanderthalensis, Homo sapiens) a été progressivement remise en question au profit d’un schéma d’évolution « buissonnant ». En effet, alors que des fossiles d’animaux disparus avaient été mis à jour dès l’époque moderne, ce n’est qu’à partir du XIXe siècle qu’apparurent les premiers squelettes préhumains.
En 1974, une équipe internationale organisant des fouilles dans la vallée de l’Awash, en Éthiopie, fit la découverte d’un squelette préhumain relativement complet. Ce fossile reçut alors le surnom de Lucy, l’équipe écoutant régulièrement la célèbre chanson des Beatles : Lucy in the Sky with. Lucy, sujet féminin de 25 ans, mesurait environ 1 mètre 10 pour une trentaine de kilos. L’étude de ses os nous indique aussi qu’elle était capable de bipédie, bien qu’étant encore accoutumée à un mode de vie arboricole. À noter que le squelette de Lucy, retrouvé dans un état assez complet, semble indiquer qu’il fut enfoui rapidement, peut-être suite à une noyade. La découverte de ce squelette, appartenant à l’espèce des Australopithecus afarensis (qui vécut entre quatre et trois millions d’années), fut d’une importance capitale, car il s’agissait à cette époque du plus ancien fossile préhumain exhumé lors de fouilles.
La découverte de Lucy, vieille de trois millions d’années, fut rapidement annoncée dans les médias. Ce spécimen d’Australopithèque reçut alors le titre de « mère de l’espèce humaine », restant pendant plus de trente ans le plus ancien fossile préhumain à avoir été découvert. Cependant, la découverte de nombreux fossiles préhumains, à compter des années 1990, commença à entraîner une remise en question du schéma d’évolution « linéaire », comme nous l’avons vu plus tôt, au profit d’un schéma « buissonnant ». En outre, des travaux furent mis en place pour déterminer la place des différentes espèces d’Australopithèques dans l’échelle de l’évolution humaine.
Ainsi, selon les sources dont nous disposons aujourd’hui, la séparation entre les préhumains et l es grands singes se fit entre 10 et 18 millions d’années (aujourd’hui, certains paléontologues estiment que le Pierolapithecus catalaunicus, qui vécut il y a 13 millions d’années, serait l’ancêtre commun de ces deux espèces, ou du moins le proche parent d’une espèce éteinte n’ayant pas encore été découverte). Par ailleurs, alors qu’autrefois l’Australopithèque était considéré comme l’espèce la plus ancienne, de nouveaux fossiles, au début des années 2000, remirent cette théorie en cause. Ainsi, Lucy fut détrônée en 1994 par Ardi (ce qui signifie « racine » en langue éthiopienne), un Ardipithecus ramidus qui vécut il y a 4,5 millions d’années. À noter toutefois que le résultat de ces travaux ne fut publié qu’en 2009.
En 1999 furent découverts en Éthiopie des ossements de l’Ardipithecus kadabba, âgé de 5,8 à 5,2 millions d’années (peut-être l’ancêtre du précédent) ; puis, en 2000, on découvrit au Kenya les ossements de l’Orrorin tugenensis (ou « homme originel » selon un dialecte local), datés de six millions d’années.
Enfin, le plus vieux fossile préhumain découvert lors de fouilles fut exhumé en 2001 au Tchad. Baptisé Toumaï (ou « espoir de la vie » dans un dialecte local tchadien), il s’agit du représentant de l’espèce des Sahelanthropus tchadensis, vieille de sept millions d’années. Toumaï est aujourd’hui considéré comme l’une des premières espèces de la lignée humaine, assez proche de la divergence entre les grands singes et les préhumains. Ainsi, l’espèce de Lucy, l’Australopithecus Afarensis, n’est plus considérée comme un ancêtre de l’espèce humaine, mais comme une branche « cousine ».
À noter cependant que la lignée des Australopithèques ne prit pas fin avec l’arrivée du genre Homo ; en effet, plusieurs espèces ont évolué en parallèle pendant plusieurs milliers d’années (à l’instar des hommes de Néandertal qui cohabitèrent avec les Homo sapiens). Parmi ces Australopithèques on retrouve l’Australopithecus boisei (2,4 à 1,2 million d’années) et l’Australopithecus robustus (2,2 à un million d’années), qui furent contemporains de l’Homo erectus (1,3 million d’années à 400 000 ans avant notre ère).