Lorsque l’on évoque aujourd’hui le personnage de Napoléon Ier, la première chose qui vient en tête est sans doute l’adjectif « petit », l’homme de Sainte-Hélène étant considéré comme un souverain de taille modeste. Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le « petit caporal » ne souffrait d’aucun retard de croissance.
Napoléon fit l’objet de plusieurs mesures, depuis son accession au pouvoir jusqu’à sa mort en 1821. Ainsi, selon les mémoires de Louis Joseph Narcisse Marchand, valet de chambre de l’Empereur, le Corse mesurait cinq pieds, deux pouces et quatre lignes (soit 1 mètre 686) ; le général Gaspard Gourgaud, mesurant Napoléon en 1815 lors de leur voyage vers Sainte-Hélène, rapporta dans son journal une taille de cinq pieds, deux pouces et demi (soit 1 mètre 692) ; un tapissier anglais chargé de prendre des mesures à Longwood nota que le général captif mesurait cinq pieds, sept pouces (soit 1 mètre 70) ; enfin, le médecin François Antommarchi, procédant à l’autopsie de Bonaparte en 1821, nota une taille similaire à celle de Marchand, soit 1 mètre 686.
Ainsi, à l’aune des résultats indiqués par les différents contemporains de Napoléon, l’on peut retenir une taille avoisinant 1 mètre 69. Si, aujourd’hui, cette mesure semble faire de l’Empereur un souverain de taille moyenne, il faut cependant noter que les Français ont énormément grandi entre 1810 et 2010.
En effet, la taille moyenne en France, en 2009, était de 1 mètre 75 pour les hommes, et 1 mètre 63 pour les femmes. Mais en 1900, la taille moyenne était seulement de 1 mètre 66 pour les hommes, et 1 mètre 54 pour les femmes. Cependant, nous n’avons pas d’élément de mesure précis pour l’année 1800. Jetons donc un coup d’œil sur la taille minimale exigée pour le service militaire à la fin du XVIIIe siècle : en 1776, cinq pieds, un pouce (soit 1 mètre 651) ; en 1792, cinq pieds (soit 1 mètre 625). Ces mesures nous laissent penser que la taille moyenne, à l’aube du XIXe siècle, se situait autour de 1 mètre 65, ce qui faisait de Napoléon ni un nabot ni un géant, mais un citoyen plus grand que la moyenne.
Mais pourquoi avons-nous donc en tête l’image d’un Napoléon minuscule, soucieux de s’affirmer afin de faire fi de son handicap ? De prime abord, l’on constate que l’Empereur, sur le champ de bataille, était constamment entouré de la Garde impériale. Il s’agissait d’un corps d’élite, composé de soldats ayant au moins dix ans d’expérience, et mesurant au minimum 1 mètre 83 (soit vingt centimètres de plus que la taille moyenne de l’époque !). Par ailleurs, les grenadiers arboraient en permanence l’ourson, un bonnet à poils mesurant plus d’une trentaine de centimètres. En effet, l’objectif de cette unité était d’impressionner et de démoraliser l’ennemi, contraint de combattre des « colosses » (d’autant que la Garde impériale, unité d’élite, n’était utilisée qu’en dernier recours).
Une autre explication proviendrait de la différence des mesures entre le pied français et le pied anglais. En effet, alors qu’en France cinq pieds et deux pouces (la taille de Napoléon) équivalent à 1 mètre 69, en Angleterre, cinq pieds et deux pouces ne valent qu’1 mètre 58. Au final, il semblerait que la légende noire concernant la petite taille de Bonaparte fut véhiculée par la presse anglaise, suite à la rupture de la paix d’Amiens. Ainsi, se basant sur une taille erronée (les fameux cinq pieds et deux pouces français), les Britanniques ne se privèrent pas de caricaturer « l’ogre corse » en lilliputien, faisant face à l’imposant John Bull.
Ainsi, suite à l’abdication de Napoléon en 1815, les monarchistes puis les républicains ne se privèrent pas de reprendre à leur compte cette image erronée, qui parvint à survivre jusqu’à nos jours. Ce problème de taille frappa aussi Louis Napoléon Bonaparte, neveu de l’exilé de Sainte-Hélène, qui fut surnommé Napoléon le Petit par Victor Hugo. Mais ceci est une autre histoire...