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Persée, triste et humiliant destin du dernier roi de Macédoine

Persée, triste destin du dernier roi de Macédoine

C’est dans la décadence du royaume de Macédoine, sous les deux derniers successeurs de Philippe ou d’Alexandre, qu’apparaissent le plus significativement les qualités et les défauts des princes quant à leur influence sur la prospérité ou la ruine de leur empire. Quelle différence des uns par rapport aux autres, et par conséquent quel contraste entre la situation de cet État sous Philippe et sous Alexandre et celle où il se trouve sous Philippe V et sous Persée! Il ne faut pas croire cependant que ceux-ci, et plus spécialement le second, aient été dépourvus de qualités. Par sa conduite à l’égard soit des Grecs, soit des Romains, Persée aurait pu sauver son royaume s’il avait possédé cette vertu qui avait été la marque de fabrique de ses deux prédécesseurs, c’est-à-dire cet art de se concilier les égards aussi bien des individus que des États.

Philippe V en mourant laisse le trône de Macédoine à Persée, qu’il a eu d’une concubine. Ce jeune prince a été élevé dans les camps : il n’a à peine que douze ans lorsque son père le charge de s’emparer des défilés de la Pélagonie (sud-ouest de l’actuelle République de Macédoine) et il s’en sort fort bien. Les Dolopes (entre l’Etolie, la Thessalie et l’Epire) et les habitants d’Amphipolis (Macédoine orientale) s’étant insurgés contre Philippe, Persée ravage leur territoire. Quoiqu’il soit aimé de son père grâce à ses exploits, il jalouse Démétrius, son jeune frère et il l’accuse, auprès de Philippe, d’avoir pris la tête d’une conspiration contre son père. Le roi, abusé, fait mettre à mort Démétrius. À la fin de sa vie, Philippe reconnaît la traîtrise de cette accusation et voue Persée aux Gémonies. Mais, par son crime, celui-ci s’est assuré la possession incontestée de la Macédoine.

Cet État s’est retrouvé considérablement affaibli sous le règne précédent. Philippe V avait encaissé d’importantes défaites, et une politique peu inspirée l’avait privé de toutes ses alliances avec les peuples de la Grèce et l’avait réduit à ses propres forces.

Persée semble d’abord profiter des fautes de son père. Malgré toute la haine qu’il a héritée envers la République romaine, il arrive à la dissimuler pendant plusieurs années; il renouvelle même le traité d’alliance avec le sénat et continue à payer le tribut qu’avait imposé le Consul Flamininus. Comptant sur les vingt mille soldats aguerris qu’avait formés son père, sur les quantités d’armes et de provisions qu’avait engrangées Philippe, s’appuyant sur les services des mercenaires thraces que s’était aussi alliés son père, il voit en outre que le rétablissement des rapports entre la Macédoine et la Grèce, jadis rompus par Flamininus, lui permet de compter sur une aide non négligeable. Cependant il ne souhaite pas précipiter les choses et se déclarer ouvertement. Il se contente de soutenir en sous-main les ennemis du peuple romain. Le sénat, ayant appris qu’il a fait soulever les Bastarnes (nord du delta du Danube), le tance et paraît satisfait de ses excuses. Enfin ses démarches sont connues: des ambassadeurs l’invitent à justifier sa conduite. Un attentat contre Eumènes, l’allié des Romains, achève de dévoiler ses plans secrets.

La guerre lui est déclarée : tout semble d’abord lui être favorable; il entre en Thessalie avec une armée bien disciplinée et remporte quelques combats sur le consul Licinius. Puis, frappé de terreur en se voyant aux prises avec la puissance qui fait trembler l’univers de l’époque, il envoie des députés au consul pour lui demander la paix. Il offre d’abandonner les villes qu’il a prises et de payer l’ancien tribut auquel il a voulu se soustraire. Le consul lui répond qu’il doit, avant toute chose, se soumettre, lui et ses États, à la puissance des Romains, et qu’à cette seule condition il pourra mériter sa grâce. Le prince versatile et inconstant dans ses décisions, ainsi que le prouve toute la suite de cette guerre, préfère le sort des combats à des conditions si implacables. N’osant toutefois pas risquer une bataille rangée et voyant sa cavalerie repoussée, il évacue la Thessalie où il laisse l’une ou l’autre garnison. Il se jette ensuite sur la Thrace et la dévaste d’un bout à l’autre. Une flotte romaine très importante est détruite complètement par la sienne. Ce succès augmente encore son audace: il livre bataille à l’armée du consul Mancinus, la défait et pénètre dans l’Illyrie d’où il retire un butin immense.

Rome envoie alors contre lui le Consul Quintus Marcius Philippus qui entreprend d’attaquer Persée au cœur même de ses États et franchit les montagnes qui séparent la Thessalie de la Macédoine. Persée, que son avarice a privé du secours de cent mille Thraces et Bastarnes, que ses mauvais procédés et ses hésitations leur ont rendu odieux, eux qui pourtant étaient au départ bien disposés envers lui, prétend défendre la Macédoine comme une forteresse avec ses montagnes et ses fleuves. À la nouvelle de l’arrivée du consul il s’écrie: «Je serai donc vaincu sans combattre!» et il s’enfuit à Pydna. Tout à fait paniqué, il fait jeter ses trésors à la mer et incendier sa flotte. L’armée du consul, qui n’est pas dans une position des plus favorables, est donc sauvée à cause de la lâcheté du roi. Cependant Persée reprend du poil de la bête et revient sur les ordres qui lui ont été dictés par la peur. Afin de ne pas avoir à rougir devant témoins de sa frousse, il les fait mettre à mort. Parmi eux, Andronic qui a essayé d’empêcher l’incendie de la flotte.

Il envoie de toutes parts solliciter des secours ; il n’en reçoit que fort peu. L’armée romaine s’avance, commandée cette fois par un chef intrépide et expérimenté, l’illustre Paul-Emile. Persée occupe une position qu’il croit inexpugnable, au pied du mont Olympe. Par une audacieuse manœuvre, Paul-Emile contourne le camp du Macédonien et le bat à plate couture. Avant même que Persée ne connaisse l’issue du combat, il change de vêtements, emprunte un chemin de traverse et arrive vers le milieu de la nuit à Pella. Il se dirige ensuite sur Amphipolis. De là il se rend sur l’île de Samothrace, suivi de ses trésors et de ses enfants. C’est là qu’il apprend que Paul Émile lui a remballé avec dédain les députés chargés de demander la paix. Ne pouvant se fier désormais à la générosité de son vainqueur, n’ayant plus rien à attendre de ses alliés, le «malheureux» Persée se réfugie dans le temple de Castor que l’on considère comme un asile inviolable. Evandre, l’assassin d’Eumènes, l’allié des Romains, est tué sur ordre du roi qui craint qu’il ne révèle son sale rôle. Après un pareil attentat qui achève de le rendre odieux aux yeux des habitants de Samothrace, Persée doit songer à se trouver une retraite plus sûre. Il traite avec un marchand. Cet homme lui vole une partie de ses richesses et lui enlève ses enfants. Désespéré par cette trahison, Persée se rend alors au camp des Romains et s’abandonne à la clémence de Paul-Émile. Il suit le consul à Rome en espérant qu’on lui éviterait l’infamie du triomphe.

Paul-Émile répond simplement : « Il n’a jamais été capable d’éviter la honte dont il a peur, et il ne l’est toujours pas aujourd’hui ». Persée ne comprend pas cette réponse ou fait semblant de ne pas la comprendre. Après avoir subi cette cruelle humiliation, il est enfermé dans une prison où il se laisse mourir de faim, vers l’an 168 avant Jésus-Christ. À dater de la bataille de Pydna, la Macédoine et l’Illyrie ont cessé d’exister en tant que nations. Plusieurs historiens ont rapporté que Philippe, l’un des fils de Persée, a été greffier à Rome.

En 2005, on a retrouvé la tombe de Persée de Macédoine le long de la Via Valeria, près de Magliano de Marsi (province de L’Aquila).

Mathilde

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