Une petite ville provinciale
Pont-Saint-Esprit (Gard) est une petite ville provinciale un peu morne en dehors des jours de marché, mais dont les vieux quartiers pittoresques valent la peine d’une visite tout comme le musée d’Art religieux, l’un des plus beaux et, dans ce domaine des plus riches de toute la France.
Cette cité paisible a cependant attiré l’attention du monde entier à cause d’étranges évènements survenus en 1951 et que l’on désigna sous le nom des « Possédés de Pont-Saint-Esprit ». Au cours de la nuit du 24 au 25 août, plusieurs Spiripontains ont soudainement un comportement aberrant. Un homme se lève la nuit, déterminé à se noyer dans le Rhône ; une femme se jette contre les murs de son habitation, s’occasionnant plusieurs fractures ; un homme hurle au secours car son cœur lui échappe par le pied ; un enfant tente d’étrangler sa mère. Pont-Saint-Esprit se réveille dans l’horreur.
Comme une traînée de poudre
Des dizaines, puis des centaines de malades présentent des troubles digestifs aigus. Mais les médecins locaux et les spécialistes, venus en renfort de la célèbre Faculté de médecine de Montpellier, sont surtout interpellés par des symptômes inhabituels comme un très faible rythme cardiaque, une tension très basse. Les praticiens remarquent aussi que les patients se plaignent d’avoir les extrémités des mains et des pieds glacés. Très vite, de nouvelles pathologies apparaissent comme des vertiges, des tremblements incontrôlables, des sudations très abondantes et même parfois de graves troubles cardio-vasculaires. Puis, ce sont les neurologues qui sont alertés : des personnes normales offrent le triste spectacle d’actes très agressifs et de crises d’hallucinations. Ils voient des flammes et des bêtes étranges qui les poussent à se terrer. D’autres deviennent soudainement et sans raison totalement suicidaires. Même les chiens et les chats meurent subitement après avoir fait plusieurs cabrioles insensées. Trois cents personnes sont touchées et cinq décès sont à déplorer.
Un mal moyenâgeux…
À l’époque, personne en France n’ose plus parler de « possession » au sens littéral du terme. Cependant, la cause de cette étonnante épidémie donnera lieu à certaines interprétations assez surprenantes. Au départ, les recherches s’orientent vers l’alimentation des malades. Un boulanger est pointé du doigt. En effet, les symptômes présentés par les personnes atteintes rappellent fortement une pathologie médiévale nommée « mal ardent », provoquée par l’ergot du seigle et incitent à penser à un empoisonnement de ce type. L’ergotisme est actuellement encore présent dans certains pays africains. On évoque aussi un fongicide utilisé pour la conservation des grains destinés à faire de la farine. Son dosage serait en cause. En 1982, des savants avancent une hypothèse proche des précédentes, à savoir une moisissure toxique se développant dans les silos à grains.
…ou le Grand Satan ?
Mais en 2010, un journaliste américain, Hank Albarelli, publie un livre intitulé A Terrible Mistake qui fait l’effet d’un pavé dans la mare. Les responsables de cette folie collective des Spiripontains sont à chercher parmi les membres de l’US Army et les laboratoires qui travaillèrent à l’élaboration d’armes chimiques et bactériologiques dans le contexte de la guerre froide. Le journaliste prétend avoir mené son enquête après le suicide de Frank Olsen, un chercheur impliqué dans le projet et qui s’est bizarrement suicidé en se défenestrant après avoir pris du LSD. Pour Albarelli, c’est le Grand Satan américain qui est responsable de cette hécatombe. Comme dans d’autres régions du monde, dont certaines aux USA mêmes, des avions auraient pulvérisé du LSD au-dessus de la ville de Pont-Saint-Esprit dans un but d’expérimentation humaine ! Ce qui est franchement « diabolique », il faut l’avouer !