Lorsque deux peuples s’opposent dans un conflit armé au Moyen Âge et aux Temps modernes, le vainqueur est généralement celui qui dispose de la meilleure stratégie. Hormis l’avantage tactique, il arrive parfois que des éléments extérieurs, sur lesquels les belligérants n’ont aucune emprise, fassent pencher la balance dans un camp ou dans l’autre. La conquête du Mexique par Fernand Cortez en est un bon exemple.
Cortez nait dans une bonne famille et fait ses études à l’université de Salamanque. Très vite, il ne rêve que d’une seule chose : le Nouveau Monde découvert quelques années plus tôt par Christophe Colomb. Il souhaite s’y rendre et se faire un nom, coûte que coûte. Il se rend dès 1504 à Haïti, mais rentre rapidement en Espagne. En 1517, il embarque pour Cuba, où il se fait remarquer et devient très vite secrétaire de Velásquez, le gouverneur de l’île. Malheureusement pour lui, Cortez va déchanter : les richesses de ces terres nouvelles ne sont réparties qu’entre quelques grands nobles privilégiés, laissant de côté la grande majorité des colons présents. Il n’est pas homme à se laisser abattre par la situation et prend une décision radicale : il va monter de toutes pièces son propre voyage afin de découvrir de nouvelles contrées et s’en rendre maître.
Lorsque Velásquez pense à envoyer onze bateaux au Yucatan pour une expédition exemplaire, son secrétaire se propose à la tête de celle-ci. Le gouverneur se laisse convaincre et l’autorise à quitter le port avec 600 hommes. Sentant l’hésitation de son supérieur, Cortez se précipite dans les navires afin de mettre le cap à l’Ouest. Son geste sauve son entreprise puisque Velásquez se ravise et tente de le retenir à Cuba, en vain.
Nous sommes en 1519, Fernand pose le pied pour la première fois sur la terre qui deviendra plus tard le Mexique. Il n’est accompagné que par quelques centaines de soldats, seize chevaux et treize mousquets. Face à lui se dressent l’empire aztèque et ses millions d’habitants. Le rapport de force semble fort inégal. À cela s’ajoute le fait que l’expédition espagnole n’a pas reçu d’ordre royal précis, forçant les soldats à voyager çà et là dans un premier temps afin de prendre possession des terres qu’ils rencontrent pour le compte de la couronne.
Les premiers locaux qu’ils rencontrent sont facilement exterminés, ce qui fait grand bruit chez les Aztèques. L’empereur lui-même est prévenu de la présence de ces étrangers belliqueux. Lorsque les trouble-fêtes arrivent au cœur de ses territoires, Moctezuma II et ses troupes sont prêts à les affronter.
Enfin, la rencontre entre les deux armées (si l’on peut appeler la troupe espagnole une « armée », puisqu’elle ressemble plus jusqu’alors à une bande de mercenaires) se produit. Cortez a profité de son passage dans les terres pour monter une armada de 40.000 combattants. Pour ce faire, il joue sur les tensions entre les différentes tribus aztèques et promet la gloire et le pouvoir aux chefs qui se dresseront avec lui contre l’empereur. En plus de ce nombre impressionnant de soldats pour l’époque, l’Espagnol peut compter sur les armes à feu qu’il a amenées et qui lui confèrent un avantage non négligeable sur ses ennemis.
En plus de cela, Cortez et ses hommes bénéficient de coups de chance dont la combinaison est incroyable : dans les croyances locales, il est prévu que le dieu Quetzalcoátl revienne sur terre juste avant la fin du monde, afin que les Aztèques soient prévenus. Or, Fernand est roux et possède une peau très pâle (chose rare pour un Espagnol), exactement comme la divinité en question. Ses ennemis voient en lui le signe divin de l’annonce de la fin des temps et prennent peur. Premier coup de chance. Autre fait impossible à prévoir et à maîtriser : la mythologie locale précise que, quelques jours avant l’arrivée de Quetzalcoátl, un signe évident pour tout le monde se produira. Deuxième coup de chance : une comète passe à proximité de la terre trois jours avant l’arrivée de Cortez et est bien visible dans tout l’empire. Enfin, l’un des soldats venus d’Europe est enrhumé. Cela ne lui pose aucun problème pour combattre, mais il contamine quelques autochtones. L’effet boule de neige est lancé et des milliers d’Aztèques en meurent en quelques semaines.
La peur a donc gagné les rangs locaux, d’autant plus que ces étrangers montent des bêtes étranges, jamais vues en Amérique et qui les terrorisent : des chevaux.
Tous ces facteurs font régner, bien involontairement, la terreur dans la capitale Tenochtitlán. À tel point que l’empereur lui-même décide de ne pas combattre et d’ouvrir les portes de la ville aux assiégeants. Ces derniers, une fois à l’intérieur, détruisent les temples et les idoles. Ils répandent une nouvelle religion basée sur un homme appelé Jésus-Christ. Ils imposent leur langue comme la seule valable dorénavant. Le 13 août 1521, la ville tombe définitivement aux mains des Espagnols et est rebaptisée Mexico.
Pendant ces temps de grande crise, plusieurs empereurs se succèdent sans qu’aucun ne puisse endiguer les velléités étrangères. Le dernier chef suprême aztèque est enfermé seul sur ordre de Cortez et est exécuté dans sa cellule quelques mois plus tard, sans que sa famille ne sache jamais ce qui lui est arrivé.
Avantage tactique, avantage technologique, deux composantes essentielles d’une guerre que l’on veut remporter. Si l’on rajoute à cela une ressemblance divine, rien n’est impossible. Pas même renverser un empire avec 600 hommes.
Auteur : Arnaud Pitout