Dans l’antiquité, les fondateurs d’empires, les premiers législateurs, les instaurateurs de nouvelles religions prétendaient généralement tirer leur origine des dieux, soit pour donner plus d’autorité à leurs lois et à leurs ordonnances, soit pour se faire respecter davantage de leurs compagnons rustres et mal dégrossis. Ce n’est pas seulement, comme on l’a dit tant de fois, la reconnaissance des peuples qui a peuplé le ciel de leurs héros, de leurs rois ou de leurs bienfaiteurs : c’est l’ambition, l’intérêt, le charlatanisme mêlés à une foule de prodiges faux ou des liens mensongers avec les dieux qui les ont placés là! Pour ne citer qu’un exemple: comment Romulus, le fondateur de Rome, aurait-il pu persuader ses rudes et ignares guerriers de renoncer à leurs habitudes de brigandage, de quitter leur vie errante pour se renfermer dans les murs d’une cité et se soumettre à des lois contraignantes, s’il n’avait pas eu l’idée géniale de s’attribuer une origine céleste et de faire intervenir les dieux dans tous ses actes, dans toutes ses directives ?
Tout est merveilleux dans l’histoire du premier roi de Rome. Ses débuts, son règne et sa mort sont accompagnés de tels prodiges, qu’il n’est pas étonnant que certains historiens aient mis en doute jusqu’à son existence. Même son nom, dans lequel entre celui de Rome, mot qui en grec signifie force, tout semble arrangé après coup par des historiens plus imaginatifs que dignes de foi ; mais le fond de l’histoire est vrai malgré les détails invraisemblables qui s’y trouvent mêlés.
Romulus et Remus naissent d’une vestale, Rhéa Silvia et du dieu Mars, dieu de la guerre. Amulius, leur oncle, ordonne que les jumeaux soient jetés dans le Tibre. Les eaux du fleuve se retirent et leur berceau reste à sec; une louve les nourrit de son lait; un berger, Faustulus, les emmène chez lui et les fait élever par sa femme. Dans ce récit, on retrouve la pratique de l’exposition des enfants qui a été en usage chez tous les peuples de l’Antiquité. Les anciennes histoires sont pleines de légendes d’enfants sauvés par des bergers et reconnus plus tard par leurs parents. Moïse, sauvé des eaux en est un autre exemple. Toutefois, l’on peut se demander si le culte de Vesta était en honneur à cette époque, et si les prêtresses appelées vestales et contraintes au vœu de virginité étaient déjà consacrées au service de cette déesse. En revendiquant Mars comme père, Romulus ne pouvait pas mieux éclaircir les zones d’ombre de sa naissance et mieux aider à l’accomplissement de sa future destinée.