Quand les croisés eurent franchi péniblement les montagnes du Taurus, ils débouchèrent sur les côtes de Syrie. La première ville devant laquelle ils s'arrêtèrent, le 20 octobre 1097, fut Antioche. Ils n'avaient jamais vu une forteresse aussi puissante, enveloppée par un rempart de 10 kilomètres et de 450 tours. Néanmoins, ils l'assiégèrent, pendant sept mois, dans des conditions sanitaires épouvantables : famine, dysenterie, peste, choléra, scorbut, diphtérie... Des désertions sont signalées dans les textes et les Grecs renoncèrent de passer à l'attaque.
Le maître de la ville demanda du secours au roi Doukas de Damas, puis, ne voyant rien venir, au roi d'Alep, Redwan, qui lui envoya des milliers d'hommes. Les Francs étaient très inférieurs en nombre, mais leurs armures leur procurèrent un avantage écrasant dans le combat au corps-à-corps qui se déroula le 10 février 1098. En outre, les Alépins étaient paralysés d'effroi par la réputation féroce des Francs et incapables de se déployer sur la bande étroite de terrain où ils s'étaient repliés.
Les hommes de Redwan qui échappèrent au massacre durent battre en retraite. Pendant ce temps, les défenseurs d'Antioche opéraient une sortie qui obligea les Francs à reculer jusque dans leur campement. C'est alors que parvint à l'émir la nouvelle de la défaite de Redwan. Aussitôt, il fit rentrer ses hommes dans la forteresse. À ce moment, les Francs, victorieux des Alépins, revinrent avec de macabres trophées : les têtes tranchées de leurs ennemis. Comme à Nicée, ils les catapultèrent dans la ville, par-dessus les murailles, dans un concert de sifflements et d'éclats de rire pour démoraliser l'adversaire.
Dans la nuit du 2 au 3 juin, grâce à la complicité d'un traître, les croisés réussirent à pénétrer dans la place. Tandis qu'ils s'adonnaient dans l'insouciance à des orgies avec des femmes turques, qu'ils obligeaient à danser nues, l'armée musulmane de Karbuqa — prince turc de Mossoul — arriva. Ainsi les récents assiégeants étaient à leur tour assiégés !