Sviatoslav 1er le Brave : le conquérant oublié

En 945 apr. J.-C., Igor l’Ancien dirige la fédération des territoires d’Europe de l’Est connue sous le nom de Rus’ de Kiev, qui s’est unie sous son père. Igor règne pendant plus de 30 ans et réussit à étendre et à contrôler son vaste territoire pendant cette période.

À partir de ce moment, il voyage vers les Drevliens (peuple slave oriental qui existe entre le VIe et le Xe siècle), s’attendant à être accueilli comme leur seigneur et à recevoir les hommages dus à ce rang. Il ne sait pas qu’il se dirige tout droit dans un piège.

Les Drevliens, fatigués de leur dur suzerain, capturent Igor et sa suite. Ils l’attachent à deux bouleaux pliés au sol et, quand ils relâchent, son corps est déchiré en morceaux et projeté en l’air.

Sviatoslav Ier le Brave portant la vychyvanka

La mort d’Igor plonge son royaume dans la confusion et l’incertitude, car il n’a laissé qu’un fils en bas âge comme successeur. Cependant, l’enfant, Sviatoslav, va transformer ses territoires et changer, par cette occasion, la face de l’Europe.Les campagnes de Sviatoslav provoquent l’effondrement de deux des grandes puissances européennes de l’Est, à savoir le Premier Empire bulgare et celui des Khazars. Il règne sur la Rus de Kiev pendant plus d’une décennie, s’étendant rapidement dans la steppe pontique, la vallée de la Volga et les Balkans.

La Rus’ de Kiev au début du règne de Sviatoslav’s (en rouge), avec sa sphère d’influence en 972 (en orange). (Wikipedia)

Né pour diriger

Bien qu’il soit l’héritier du Grand Prince Igor et de sa femme Olga, on sait très peu de choses sur l’enfance de Sviatoslav. C’est sa mère qui prend le contrôle des Rus après la mort de son mari, punissant brutalement les Drevliens et régnant en tant que régente à Kiev.

Asmud, un Varègue (Viking suédois), est le tuteur de Sviatoslav. Jusqu’au XIe siècle, la tradition veut que les Varègues soient employés pour donner des leçons aux fils des princes au pouvoir.

Sviatoslav est élevé dans le but de devenir un dirigeant belliqueux et actif, peu porté sur l’administration. Il passe sa vie dans une guerre continue contre ses différents États voisins.

Selon la Chronique primaire, un ouvrage datant du Moyen- ge et relatant l’Histoire de Kiev, lorsque Sviatoslav part en expédition, il ne transporte ni bouilloires ni chariots. Il ne fait même pas cuire la viande à l’eau. Au lieu de cela, il coupe de petites lanières de bœuf, les rôtit sur du charbon, puis les mange. De plus, il ne dort pas sous tente, mais utilise une couverture pour cheval.

En ce qui concerne son apparence, Sviatoslav est de taille moyenne, mais on se souvient surtout de ses yeux brillants. Il a une constitution plutôt robuste, la barbe vaporeuse et la tête chauve, préfère s’habiller de vêtements blancs et porte une grande boucle d’oreille en or.

Quelque part entre 945 et 957, Olga se convertit au christianisme. Contrairement à elle, il reste païen, et les Rus le suivent dans ses croyances, adorant les mêmes dieux que ses guerriers : Veles, Perun et Svarog (dieu du feu et de la métallurgie dans la mythologie slave). Ce sera son fils, Vladimir, qui, à l’instar de ses sujets, empruntera les traces de sa grand-mère et instaurera la nouvelle religion dans ses régions.

Sviatoslav envahissant la Bulgarie; Chroniques de Manassé

Campagnes orientales de Sviatoslav

Très peu de temps après que Sviatoslav monte sur le trône, il commence à faire campagne pour étendre le contrôle des Rus et entrer dans la steppe pontique et la vallée de la Volga. De là, son armée balaie le sud et a fait face à la Khazarie, une dynastie de Khazars vieille de plusieurs siècles.

La Khazarie est un État puissant et influant en Europe de l’Est et sa conquête est l’un des plus grands succès de Sviatoslav. Bien que les racines de ce conflit manquent encore de clarté, il possède un avantage commercial évident pour Sviatoslav qui a la mainmise, de cette manière, sur la vallée de la Volga. Les Khazars sur son chemin, ou l’Empire byzantin, contribuent peut-être à la déclaration de guerre.

Sviatoslav rassemble progressivement les tribus des Khazars sous sa bannière et les soumet à son régime. Ceux qui décident de ne pas rejoindre sa cause sont poursuivis et obligés de rendre hommage avec force aux Rus de Kiev. Voyageant par les fleuves Volga et Oka, Sviatoslav s’en prend également à la Bulgarie, un autre ancien État de la région.

Le site de la forteresse khazare de Sarkel, pillée et détruite par Sviatoslav vers 965 (photo aérienne de Mikhaïl Artamonov datant des années 1930).

Vers 965, Sviatoslav démolit Sarkel (vaste forteresse construite en pierre et en brique), une ville de Khazar. Après avoir démantelé la ville, il y établit Belaya Vezha, une colonie Rus et, par la suite, il continue à saccager la capitale Khazar d’Atil.

Il ne reste plus de branches, de feuilles, ni même de raisins à Atil après l’attaque de Sviatoslav. Avec la destruction de l’empire Khazar, la Rus de Kiev assied sa puissance dominante sur les routes commerciales nord-sud de la région.

Le Retour du Danube de Sviatoslav chez sa famille à Kiev par Ivan Akimov (1773)

Campagnes dans les Balkans

Après avoir subjugué les Khazars, Sviatoslav tourne son attention vers d’autres conquêtes. À l’époque, des liens militaires étroits entre Byzance et les Rus de Kiev existent déjà. Vers 967 ou 968, Nicéphore II Phocas, un Byzantin, envoie un de ses agents pour persuader Sviatoslav de le rejoindre dans son affrontement contre la Bulgarie.

Sviatoslav reçoit environ 15 000 livres d’or pour avoir aidé les Byzantins et mène une armée de 60 000 hommes à la guerre. Rencontrant le souverain bulgare, Boris II, au combat, Sviatoslav le défait et prend le contrôle du nord de la Bulgarie.
Cependant, Nicéphore est vaincu et tué par son neveu, Jean Ier Tzimiskès, qui devient le nouvel empereur de Byzance et qui s’efforce dès lors de convaincre Sviatoslav de quitter la Bulgarie.

Jean échoue dans sa première tentative, mais lance rapidement une contre-offensive. Face à la puissance de l’armée byzantine, Sviatoslav accepte ses conditions et décide d’abandonner les Balkans.

En contrepartie, Jean offre aux Rus la nourriture et les autres fournitures essentielles nécessaires à un voyage de retour en toute sécurité. Selon la Chronique primaire, ce dernier n’en demeure pas moins compliqué et le camp de Sviatoslav est dévasté par la famine pendant plusieurs mois.

Mort dans la fleur de l’âge

Le nouvel empereur byzantin craint que la paix avec Sviatoslav ne dure pas. La politique étrangère byzantine a longtemps cherché à encourager la discorde entre les Rus et les Pecheneg, un émirat nomade sur les rives nord de la mer Noire.

Il supplie donc le khan Pecheneg, Kurya, d’assassiner Sviatoslav avant qu’il ne puisse atteindre sa capitale, Kiev. Sviatoslav est averti du danger et on lui conseille d’éviter la traversée du fleuve aux rapides du Dniepr, mais il ne fait pas attention.

La Mort de Sviatoslav par Boris Chorikov

C’est là qu’il est piégé et tué par les Pechenegs au début de 972, âgé de 29 ans. Kurya garde son crâne et en fait son calice personnel.
Après sa mort naissent beaucoup de tension entre ses fils, ce qui conduit finalement à une guerre entre deux d’entre eux, Iaropolk Ier (l’aîné) et Oleg. Mais ce sera Vladimir qui remportera la bataille pour la succession dynastique, devenant le seul dirigeant de Kiev.

Sviatoslav prend une fédération lâche de royaumes slaves et s’en taille un empire à travers l’Europe de l’Est, se levant pour regarder le puissant byzantin dans les yeux. Avant sa trahison, ses campagnes changent la situation politique de l’Europe, et le territoire qu’il se constitue fait face à ses voisins pour les siècles à venir.

S.B.

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