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Lioudmila Pavlitchenko : tireuse d’élite soviétique, amie d’Éléonore Roosevelt

“Miss Pavlichenko’s well known to fame

Russia’s your country, fighting is your game

The whole world will love her for a long time to come

For more than three hundred nazis fell by your gun”

Woody Guthrie, chanteur de country américain

Sorti en 2015, le film Battle for Sevastopol rappelait au monde les exploits de la meilleure tireuse d’élite de la Seconde Guerre mondiale, ou, comme les Russes aiment l’appeler, la Grande Guerre patriotique : Lioudmila Mikhaïlovna Pavlitchenko. Touchant, bien réalisé, ce drame met en avant la vie de l’héroïne de guerre dans les tranchées, d’Odessa et de Sébastopol.

Lioudmila naît le 12 juillet 1916 dans ce qui est encore l’Empire russe, dans un village aux portes de Kiev. On ne lui connaît alors qu’une enfance simple, si ce n’est que son premier amour lui offrira son fils alors qu’elle n’a que 16 ans, et que celui-ci deviendra bien vite orphelin d’un père bien vivant. Ses proches l’aident dans l’éducation du petit Rostislav alors qu’elle travaille à l’usine et poursuit dans le même temps des études d’Histoire à l’université de Kiev, où toute la famille a emménagé.

Lorsque la guerre éclate sur le front de l’Est, en juin 1941, Lioudmila se porte volontaire pour le combat, offrant sa maigre formation de tireuse. La jeune femme, âgée de 24 ans, n’hésite pas à laisser son fils derrière elle pour défendre sa patrie. Pour défendre les siens de l’envahisseur allemand. Lioudmila est envoyée avec ses nouveaux camarades au front d’Odessa en tant que tireuse d’élite.

Si ces premiers résultats au stand de tir de Kiev n’étaient « pas mauvais », elle devient très vite une véritable étoile montante. Se fixant pour premier but de tuer 100 fachistes, elle atteindra les 187 morts confirmés à la chute d’Odessa, au mois d’octobre 1941.

La presse soviétique la porte déjà en véritable héros, redonnant espoir à son peuple et insufflant la peur dans le cœur de l’ennemi. Car au front, la Kiévienne est réellement crainte. Aussi, c’est sans surprise qu’une véritable chasse à l’homme soulève les rangs des tireurs d’élite nazis. Ce ne sont pas moins de trente-six snipers allemands qui se tapissent dans l’ombre, dans l’espoir d’abattre celle que les Américains surnommeront plus tard Lady Death. Lioudmila racontera même plus tard qu’elle passa tout le jour et toute la nuit derrière son viseur, jusqu’à croiser le regard de son ennemi qui, à plusieurs centaines de mètres de là, s’apprêtait alors à presser la détente. Lioudmila fut plus rapide.

En hiver 1941, à ses côtés, se tient le lieutenant Léonid Kutsenko. Il est son compagnon, son protecteur, son amant. Ensemble, ils en oublient presque l’horreur de la guerre et, amoureux, décident même de se fiancer. Mais la vie rappelle bien vite à Liouda les morts que sèment les canons et les obus, et si, cette fois, c’est elle qui protège Léonid, il ne survit pas à ses blessures et succombe en mars 1942. Son score confirmé : 259.

La mort de Léonid la marque fortement : la guerre l’a trahie en lui prenant son bien-aimé, et maintenant, ce sont ses mains qui lui refusent obéissance, prises d’incontrôlables tremblements. Mais Lioudmila est déterminée à défaire cet ennemi qui lui a déjà tant pris. Lorsqu’elle est gravement blessée en juin 1942 lors du siège de Sébastopol, où elle a été affectée avec son régiment après la défaite d’Odessa, son score confirmé est de 309 soldats et officiers ennemis.

309. Ce sera là son score final. Lioudmila est évacuée par la mer peu de temps avant la chute de la ville, qui retiendra prisonniers ses quelque 10 000 défenseurs, condamnés à la mort ou aux camps.

Il incombe désormais à Liouda une tout autre tâche, mais pas moins importante. Au mois de septembre 1942, elle embarque pour les États-Unis au sein d’une délégation étudiante sur invitation d’Éléonore Roosevelt et la Société étudiante américaine. Il est impératif qu’elle parvienne à faire entendre aux É.-U. l’urgence d’ouvrir un second front en Europe pour défaire Hitler et ses troupes.

Sa venue n’est pas restée inaperçue. La presse américaine s’enquit de découvrir cette femme-soldat russe, tireuse d’élite d’exception. Mais quelle ne fut pas leur surprise de découvrir cette jeune femme, belle et souriante, au visage d’ange ? Si bien que leurs premières questions virent au ridicule : « Les femmes se maquillent-elles pour combattre ? », « De quelle couleur préférez-vous vos sous-vêtements ? », etc. Sa réponse ne se fait pas attendre : « Gentlemen, j’ai 25 ans. J’ai déjà anéanti trois-cents envahisseurs fachistes au combat. Ne pensez-vous pas, gentlemen, que vous vous cachez derrière moi depuis bien trop longtemps déjà ? »

La presse américaine l’encense, mais pas seulement les médias. Très vite, elle se lie d’amitié avec la Première Dame, Éléonore Roosevelt, qui l’invitera à la Maison-Blanche, faisant d’elle le premier membre d’une délégation russe à y entrer, ainsi qu’à se joindre à elle pour un tour du pays, lors duquel elle racontera, à ces gens pour qui la guerre ne reste qu’une réalité lointaine, sa propre réalité de femme soldat au front de l’Est.

À son retour au pays, elle sera décorée de la médaille de Héros de l’Union soviétique, mais ne retournera pas se battre. Elle sera chargée de former les nouvelles recrues au tir de précision.

Si le film dépeint une jeune femme, sans enfant, que les hommes semblent autant condamner que sauver, à tour de rôle, la véritable Lioudmila Pavlinchenko ne semblait avoir besoin de personne pour l’élever. Si la Liouda qu’incarne à l’écran Yulia Peresild semble prise dans le tourment de la guerre telle une bête apeurée, celle en chair en os semblait déterminée à défendre son pays dès le début, coûte que coûte. Et enfin, à cette Liouda qui termina après la guerre ses études d’Histoire avant de se consacrer à l’éducation de son fils et à son second mariage semble manquer cette fragilité dont est empreinte la Liouda fictionnelle.

Lioudmila Mikhaïlovna Pavlitchenko s’éteint à Moscou le 10 octobre 1974 à l’âge de 58 ans après une vie qu’elle a su garder bien remplie, mais rescapée d’une guerre qui l’a marquée, comme tant d’autres, autant mentalement que physiquement.

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Mathilde

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