L’histoire de l’eau de Cologne commence… dans le nord de l’Italie, dans un petit village du Piémont où vit une modeste famille : les Farina. Les frères Farina rêvent de faire des affaires et, pour ce faire, ils voudraient s’installer à Cologne. À l’époque, Cologne est une ville libre d’Empire. Il est très difficile d’être autorisé à s’y établir, à moins de faire commerce de produits de luxe. Les aînés de la famille décident donc d’y ouvrir une boutique d’articles de Paris : des perruques, des dentelles, des soieries…
En 1708, le cadet des frères Farina, Jean-Marie, qui est resté au village, écrit à ses aînés :
« J’ai créé un parfum dont la senteur est une réminiscence d’un matin printanier, où se mêlent les odeurs de narcisses sauvages et de fleurs d’orangers peu après une averse. Ce parfum me rafraîchit, stimule mes sens et mon imagination ».
Jean-Marie Farina pouvant désormais se targuer d’être parfumeur, un métier de luxe, il est autorisé à s’installer lui aussi à Cologne, en 1709.
Voilà des siècles que l’on se parfume, mais la fragrance imaginée par Farina est très particulière. Elle mêle toute une série d’huiles essentielles. Des fleurs de lavande, des écorces de citron, de la cardamome, du thym, du romarin, des semences d’anis et de fenouil… C’est un mélange étonnant, très subtil et, au final, d’une fraîcheur assez inédite. À l’époque, les parfums sont terriblement lourds. On utilise des substances très odorantes, tels le musc, le santal ou la cannelle, avec pour seul objectif de masquer les odeurs corporelles. En fait, l’hygiène est lamentable. Depuis les épisodes de peste, on craint l’eau comme la peste – on craint qu’elle transmette des maladies. Du coup, on ne se lave pas. Et comme on n’a pas l’occasion de laver régulièrement ses vêtements, on camoufle les odeurs qui s’en dégagent par des parfums forts.
Nos grands-mères portaient des contrefaçons
Cependant, à l’époque de Farina, au début du XVIIIe siècle, les gens raffinés recommencent à utiliser l’eau pour se laver. Ils n’ont donc plus besoin de parfums aussi prégnants et la fragrance de Farina, tout en fraîcheur et en légèreté, leur convient parfaitement. Ce parfum, que Farina baptise Aqua mirabilis , « Eau admirable », va se répandre à travers l’Europe grâce… à une guerre, la guerre de Succession de Pologne. Le conflit implique la France puisque l’épouse de Louis XV, Marie Leszczynska, est d’origine polonaise.
À leur retour de Pologne, en 1738, les officiers français passent par Cologne, découvrent le fameux parfum, et en ramènent quelques flacons à Paris. En France, comme ce parfum vient de Cologne, on l’appelle ‘eau de Cologne’. Farina, qui est malin, ne tarde pas à reprendre cette appellation à son compte. Le français étant la langue la plus chic qui soit en ce temps-là, c’est parfait pour les affaires. Il vend son eau de Cologne au roi de France, au roi de Prusse… On sait que Mozart porte de l’eau de Cologne. Et l’on conserve même une lettre de Goethe qui en commande six flacons !
Le succès suscite évidemment les contrefaçons. Après la mort de Farina en 1766, et durant tout le XIXe siècle, ses fils et ses petits-fils vont intenter un nombre faramineux de procès pour protéger le parfum des copies. Paradoxalement, ce sont ces copies, accessibles à nos grands-mères, qui vont rendre l’eau de Cologne populaire.
Aujourd’hui, entre les senteurs sucrées et les odeurs boisées, l’offre de parfums s’est largement diversifiée. Mais à Cologne, les descendants de Farina fabriquent toujours son eau de Cologne… Depuis huit générations ! C’est la plus ancienne parfumerie du monde.